Plusieurs mois étaient passé dans l'incertitude. Nul n'avait vu la Bête depuis le début de la nouvelle année et tous s'inquiétaient. Était-ce fini ? Le malheur allait-il frapper une autre région ? Aucun villageois n'aurait su fournir de réponse. Cela rendait toutes les bonnes gens irritables, associables car dans l'incertitude de leur sort, la peur et la paranoïa commençaient doucement à les ronger.
Puis le printemps était arrivé avec son lot de bonheur et de malheur. Comme sortie d'hibernation, la Bête avait recommencé sa chasse. Alors au moment où les villageois avaient reçu la sombre nouvelle, leur foi en Dieu s'était accrue de façon exponentielle. Ils avaient débuté en nombre les pèlerinages en direction de Notre-Dame-de-Beaulieu dans l'espérance que celle-ci pourrait supprimer leur fléau. Les villageois, croyants comme impies, semblaient tous terrorisés par la réapparition du monstre.
Jean-François et Suzanne, quant à eux, demeuraient prudent sur le sujet de la Bête. Car s'ils n'avaient pas laisser tomber l'idée de la poursuivre, un nouveau facteur s'était ajouté à l'addition. Les deux jeunes avaient finalement révélé leur liaison à la tante de Suzzie qui n'avait rien dit pouvant être considéré comme de mauvaise augure.
Cejour-là, les quatre habitants étaient occupés dans la maisonnette. Les deux femmes s'occupaient de traiter les légumes tandis que Hector taillait un animal dans du bois et que François nettoyait son fusil qui depuis leur arrivée prenait la poussière. Le temps était clément dehors et une faible brise printanière soufflait après les longs mois d'hiver, aussi les habitants avaient-ils laissé leurs volets ouverts, profitant ainsi du même temps de la luminosité du jour. Suzanne, quelque peu lassée de son travail, se mit à rêvasser en regardant les arbres par la fenêtre. Seulement, une ombre aux poils drues vint s'inscrire au tableau. La jeune femme la vit arriver comme un sombre cauchemar. Le poil marron de la Bête lui apparut d'abord. Puis ce furent ses yeux qu'elle vit, aussi rouges et aussi monstrueux que la première fois. Elle arriva d'un pas lent et posa ses pattes avant sur le rebord de la fenêtre, tournant son buste d'une façon qu'aucun autre animal n'aurait pu supporter. Les habitants tournèrent alors la tête et virent la chose la plus improbable et la plus terrifiante qu'ils aient jamais vu. Le monstre à la gueule béante ne bougeait pas, se contentant de les observer et ce qui terrifia Suzzie ne fut définitivement pas l'éclair affamé dans les yeux de la bête, mais l'absence de celle-ci comme si cette dernière pensait à autre chose, établissait un plan précis. Comme si la Bête était dôtée d'intelligence. Tous s'immobilisèrent, figeant la scène. Seul François se leva lentement de sa chaise avant de s'approcher plus doucement encore de Suzanne. La Bête ne semblait toujours pas réagir alors Jean-François fit lentement passer la jeune femme derrière lui, sans ôter sa poigne de son fusil pourtant déchargé de balles.
Puis miraculeusement, alors que François commençait à penser qu'elle allait finalement attaquer, le monstre aux yeux exorbités reposa ses pattes à terre trop doucement, montrant qu'elle était parfaitement capable de ne se tenir que sur ses pattes arrières. Ce simple geste suffit à faire tressaillir de peur l'assemblée, pourtant aucun ne bougea le moindre muscle, sûrement paralysé par la vision. L'animal des Enfers reprit alors enfin sa route alors que François se précipitait sur la fenêtre pour en fermer les volets. Les habitants semblèrent alors seulement reprendre leur souffle. Hector vint prendre sa femme dans ses bras afin de la rassurer, tandis que François se retourna vers Suzzie qui se précipita contre lui. Si Gertrude était bouleversée au point de manquer s'évanouir face à la bête, Suzanne et Jean-François se regardèrent d'un air inquiet. D'un seul regard, il se comprirent. Il était temps pour eux d'acheter des balles et de repartir à la poursuite de cette chose. François se mit à passer une main tendre dans les cheveux de la jeune fille, le cœur serré. Car avant qu'ils ne repartent, il y avait une chose qu'il souhaitait faire.
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La Bête du Gévaudan
Novela Juvenil1764. Suzanne avait dix-sept ans lorsqu'elle vit revenir les hommes de son villages avec la dépouille lacérée de sa mère, disparue depuis la vieille. Éventrée, égorgée, la dépouille fut rapidement mise en terre, sans même que la jeune fille ne puiss...