22 août 1744

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Gertrude finissait de récolter le blé quand elle vit, au loin, approcher un homme. De loin et avec le soleil en plein visage, elle ne parvenait pas à distinguer quoi que se soit. Cependant, elle essaya. Mais elle était dans les champs depuis le matin et le soleil tapait rudement contre son crâne. Sa vision déjà flouée par l'astre lumineux se fit moins nette, jusqu'à devenir noire au moment où son corps heurta le sol.

Hector avait vu la scène de loin et avait accourut. Il était menuisier et vendait ses œuvres dans les villages de la région. Hors, cela faisait quelques temps qu'il apercevait la jeune femme dans les champs par cette chaleur étouffante. Même lui, fier gaillard d'un mètre quatre-vingt-dix, avait du mal à supporter les vagues de chaleur venant du sol, du ciel, de l'air immobile. Alors une jeune femme... Il fondit sur elle et la vit évanouie au sol. Regardant les alentours, il remarqua la ferme attelant. Il prit la femme dans ses bras et l'y amena. Un homme juste un peu plus âgé que lui le vit approcher puis, quand il vit la femme dans ses bras, s'énerva : « Qu'est-ce qui s'est passé ?! Elle a quoi, Gertrude ?

 - Je l'ai vue s'évanouir dans le champ, il fait p't'être trop chaud pour ça, croyez pas ?

 - Mais non, l'a juste besoin d'eau.

Hector fronça des sourcils lorsqu'il sentit l'odeur alcoolisé de l'homme. Il était sûr que ce dernier n'était plus maître de lui-même. L'alcool accompagné du soleil avait fait son œuvre. Il bouscula l'homme et entra dans la masure. Le plus important était de réhydrater cette femme, le soleil pouvait être mauvais lorsqu'il n'était pas contré. Avisant un lit, il l'y allongea. Une autre femme vint immédiatement prendre des nouvelles de la dénommée Gertrude. « Il faut de l'eau, ne bougez pas, je m'en occupe. » La femme revint presque immédiatement avec un petit baquet d'eau. Il releva Gertrude et fut surpris de sa légèreté, ce n'était pas habituel pour une femme travaillant dans les champs. La femme la fit boire et après quelques secondes, Gertrude se réveilla. Elle ne savait pas exactement où elle était et semblait perdue. Hector adoucit sa voix pour lui raconter l'affaire. Gertrude se prit alors la tête entre ses mains avant de se lever du lit, encore perdue. Mais, en fière femme qu'elle était, Gertrude affirma qu'elle allait bien avant de retourner aux champs.

A partir de ce jour-là, Hector vint dans ce village presque tous les jours, contraignant la femme à boire la gourde qu'il lui apportait. Quand l'hiver vint, l'homme s'aperçut qu'il ne pourrait plus vendre son commerce au village et que, par conséquent, il ne verrait plus Gertrude. Il convint que son visage, son sourire et ses remerciements rougissant lui manqueraient, mais son commerce passait en premier. Le premier jour de neige, il toqua à la ferme, dans le but de dire au revoir à la fermière.

Il toqua une fois, personne ne lui répondit. Il toqua une seconde fois, il entendit des cris. Hector enfonça la porte et vit Gertrude sur le sol, le nez en sang, l'autre femme tenant fermement un petit garçon dans ses bras. Les trois étaient en larmes. Une rage sourde se mit à pulser dans ses veines quand il aperçut le fermier, une bouteille dans une main, du sang sur l'autre. Il lui infligea un coup assez fort pour que l'homme tombe dans les pommes. Il prit alors Gertrude dans ses bras et lança un dernier regard à l'autre femme qui lui souffla de partir.

Trois jours après, les deux s'étaient mariés. Gertrude recevait de temps à autres des nouvelles de sa belle-soeur et de son frère par son mari. Elle avait su qu'elle avait perdu son fils, puis qu'elle avait eu une fille. Et enfin, elle avait appris sa mort...

La Bête du GévaudanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant