12 octobre 1764

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Son baluchon de nouveau sur son épaule, Suzanne passa la porte des Chastel. Elle n'avait prévenu personne, jugeant qu'elle n'avait pas envie de voir le regard satisfait de la mère Chastel. Pourtant, alors qu'elle était prête à partir, une voix grave la retint.

- Alors, tu t'en vas ? Sans rien dire ?

Suzzie se retourna. Jean-François, en quelques jours, s'était attaché à elle et ne souhaitait pas la voir partir. Elle était la seule qui arrivait encore à agir inconsciemment à cette époque de trouble, et cela le paniquait. Qui plus est, il souhaitait autant qu'elle connaître le fin mot de cette histoire. Quelle sorte d'animal étrange était la Bête ? Et quand se finirait cette horrifiante histoire ? Suzanne répondit d'une faible voix, gagnée par le remords.

- J'aurais voulu te l'avouer mais alors j'aurais dû supporter le regard satisfait de ta mère et je...

- Ne t'en fais. Je sais qu'elle peut parfois être surprotectrice envers ses enfants.

Suzzie lui sourit et François finit par s'exclamer plus que par lui demander.

- Je vais venir avec toi. J'ai dix-neuf ans. Je suis trop vieux pour que mère ne puisse me retenir à la maison. De plus, j'aimerais éclaircir cette histoire.

Soudainement reconnaissante, Suzanne ne pensa pas même à le contredire. Elle hocha plutôt la tête énergiquement. François, celui qui était en quelque sorte devenu son seul ami, serait là pour la protéger dans ce périple. Suzanne ne saurait que plus tard l'une des raisons principales de la venue de son compagnon. Jean-François avait trouvé quelque peu étrange que son père apparaisse seulement un temps après le passage de la Bête. Il s'était cependant rasséréné en se disant que celui-ci avait dû entendre les cris de la jeune femme de la même manière qu'eux.

Alors armés du fusils de chasse de Claude, le seul fils restant à la maison des Chastel, les deux jeunes s'aventurèrent dans le village, jugeant que trouver les témoins d'attaques de la Bête serait le moyen le plus judicieux d'obtenir des informations sur elle. Ils chercheraient aussi un louvetier, spécialiste du genre, ils étaient les plus à même de leur décrire l'animal.

Des heures passèrent sans que les habitants daignent leur donner le moindre éclaircissement, jugeant soit qu'ils ne souhaitaient en parler, soit que de si jeunes personnes ne devraient se jeter à la chasse au monstre. Ils finirent tout de même par réussir à faire parler une amie de la défunte Jeanne qui ne leur appris que les conditions somme toutes normales du départ de celle-ci. Ainsi, à la fin de leur journée, ils n'eurent rien de plus comme informations que ce qu'ils savaient déjà.

Arrivés à une auberge en bout de village, ils décidèrent cela plus prudent que de retourner à la demeure des Chastel, accompagnée de sa marâtre prête à tout pour récupérer son fils. Ils ne se savaient pas si proche de la réalité. Anne, depuis le petit matin, le départ de François, jurait tel un charretier contre la jeune fille qui l'avait entraîné là-dedans, selon elle. Si elle revoyait Suzanne, elle lui ferait regretter son geste.

Entrant dans le bâtiment, les deux amis arrivèrent au comptoir sans que Suzanne ne sache si ses talents de couturière suffiraient à leur payer le gîte et le couvert pour la nuit à elle et François. Cependant, à sa plus grande surprise, Jean-François sortit assez de pièces pour payer sans qu'elle n'eut rien à faire. Le jeune homme lui décocha un sourire satisfait avant qu'ils n'aillent s'installer à une table.

Cette nuit-là, ils dormirent dans deux lits séparés, tout habillés, et se jurèrent avant d'éteindre la lumière de ne pas abandonner leur dangereuse quête de vérité.

La Bête du GévaudanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant