2 octobre 1765

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Sortie de ses songes par la lumière du Soleil, Suzanne eut d'abord envie de retrouver Morphée tant cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas si bien dormi. Sentant néanmoins un poids sur sa taille, elle ouvrit les yeux. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle se découvrit allongée la tête et une main sur le torse de Jean-François dont les bras lui entouraient la taille dans un geste protecteur. Mais alors qu'elle allait tenter de s'en dégager, ses yeux tombèrent sur le visage serein de François. Étant encore épuisée par les longues journées de marches qui lui restaient sur les épaules, se sentir enfin en sécurité ne l'aida pas à rester éveillée et sans s'en rendre compte, elle sombra.

Ce ne fut que quelques minutes plus tard que François se réveilla. Encore bouffi de sommeil, il remarqua tout juste qu'il venait de resserrer sa prise sur Suzanne. Mais quand il posa à son tour ses yeux sur le corps endormis de la jeune fille dans ses bras, il n'eut pas la moindre once de gêne à lui poser un baiser sur le front. Un œil attendri sur elle, son pouce caressant doucement sa fine taille, il se dit que c'était peut-être cela le réveil parfait. Car jamais il ne pourrait se lasser de voir la jeune fille dans la sérénité du sommeil après les horribles épreuves qu'elle avait dû traverser. Au souvenir de la vision qu'il avait eut, cette nuit-là, dans la grange des Durand, il raffermit son emprise sur elle, comme dans un élan protecteur. Jamais il ne se pardonnerait d'avoir faillit à sa promesse qu'il ne lui arriverait rien. Pourtant, s'il avait pu fouiller dans les pensées de la fermière, il aurait su qu'à aucun moment elle ne l'avait tenu pour responsable.

Le moment semblait baigné d'une magie surréaliste, charme qui ne se rompit qu'au moment où Suzzie se réveilla pour la seconde fois, un léger sourire aux lèvres. Rougissant immédiatement devant les yeux scrutateur de François, les deux amis s'éloignèrent l'un de l'autre, murmurant quelques excuses confuses.

Après s'être tout à fait réveillés, ils se demandèrent ce qu'il allait advenir d'eux désormais que la Bête était morte, quand bien même l'idée leur paraissait surréaliste. Suzanne n'avait plus réellement de maison, quant à Jean-François, il se ferait serrer les bretelles dès lors qu'il passerait le pas de la demeure familiale. L'idée d'en finir avec cette histoire de quête leur était impossible. Les deux jeunes gens avaient du mal à accepter que la Bête qu'ils avaient vu ne fussent qu'un grand loup. Ils étaient sûrs de ce qu'ils avaient vu, la chose n'avaient rien à voir avec un loup ordinaire. En proie au doute, ils décidèrent de demeurer dans le village pour un temps.

L'après midi même, alors qu'ils se promenaient sur le marché en quête d'un emploi, les deux amis rencontrèrent Antoine, le frère aîné de François. D'abord surpris, ce dernier les invita à manger ensemble à l'auberge, luxe qu'ils ne s'étaient autorisé depuis longtemps. Ainsi, assis autour d'une table, Antoine n'attendit pas plus de temps pour demander à son jeune frère des explications :

  - Cela fait des mois que tu as disparu, mère est folle. Elle jure par Dieu lui-même que si elle retrouve ton amie, elle lui fait la peau, ajouta-t-il avec un regard pour Suzanne.

Jean-François soupira, il savait le tempérament de sa mère quelque peu changeant.

  - C'est un peu compliqué. Quoi qu'il en soit, je suis allé voir père en prison. Qu'est-ce qu'il s'est passé pour qu'il se retrouve là ?

Son frère sembla préoccupé, comme en proie à une indécision.

  - Disons qu'il a eu quelques problèmes avec les agents du porte-arquebuse. Si tu veux tout savoir, il était en chasse de la Bête quand il s'est fait arrêté.

Antoine semblait se remémorer des souvenirs lorsqu'il ajouta plus pour lui-même :

  - Même ayant travaillé avec quelques animaux exotiques, je ne saurais pas dire d'où vient cette chose...

Suzanne fut interpellée par sa réplique, une occasion en or d'en savoir plus sur celle qui avait terrorisé ses nuits.

  - Vous avez travaillé avec des animaux exotiques ?

  - Oui, des hyènes, des tigres et autres animaux venant d'Afrique dans le but de les ramener dans des zoo français.

Jean-François s'immisça alors dans la conversation lorsqu'il comprit tout l'intérêt de celle-ci.

  - À qui donc as-tu fais part de ton savoir en la matière ?

Alors qu'il semblait réfléchir, les deux amis se lancèrent un regard inquiet.

  - J'ai dû en parler à père et Pierre... Oh ! J'en ai aussi parler à ce dîner chez Monsieur Antoine auquel j'avais plus ou moins été convié. Il faut dire qu'il a semblé assez intéresser par ces bêtes alors je lui ai longuement parlé des comportements des hyènes et des tigres.

  - C'est peut-être grâce à ces informations qu'il a su mettre un terme à cette histoire..., se dit Suzanne.

  - Peut-être... Mais cela supposerait que cette chose était l'un de ces animaux, hors il semblerait que ce ne fut pas plus qu'un gros loup, la contredit Antoine.

Les trois jeunes gens restèrent sceptique, ne sachant pas si l'origine de leur malheur était effectivement un simple loup. Sans doute ne le sauraient-ils jamais, le cadavre étant en train d'être ramené jusqu'à Fontainebleau.

La Bête du GévaudanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant