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J'arrive devant la maison. Impossible d'entrer dans le parking. Des gens, qui sont là je ne sais pourquoi, me bloquent le passage.
- Mais c'est quoi ça? Se questionne mon père.
Sans lui répondre, je descends de la voiture. Il fait de même. Au même instant, des journalistes
avec leurs caméras nous envahissent et nous bombardent de questions sans nous laisser un
intervalle de temps pour répondre:
- Est-ce vrai que votre femme est morte? Comment est-ce arrivé? Pourquoi n'avez-vous pas
alerté la police?
Un autre qui sort de nulle part, s’approche et nous demande comme s'il avait déjà toutes les
informations:
- Est-ce vrai que votre femme a été battue jusqu'à mort? Pourquoi n'avez-vous pas tenu à en
informer la presse et avez-vous chanté l'enterrement discrètement? Un homme aussi
important que vous, laissera-t-il un tel crime impuni?
Mon père est sous le choc et ne leur répond pas. Mais comment est-ce qu'ils ont su? Qui leur en a
parlé? Personne d'autre que nous n'en était au courant et voilà que l'affaire est rendue publique.
Enervée, je leur dis:
- ne voyez-vous pas que vous lui faîtes du mal? Respectez ça au moins: C’est sa femme qu'il
a perdue! Ici c'est une résidence privée. Vous n'avez aucun droit de venir nous importuner
comme ça. Je vous conseille de vider les lieux tout de suite, Sinon j'appelle la police. Je
vous traîne en justice pour violation de propriété et vous savez très bien comment est-ce
que ça va se terminer.
Ils ne bougent pas.
- Maintenant, si vous voulez bien, nous aimerions entrer chez nous, ajouté-je.
Sans leur laisser le temps de nous poser d'autres questions, je raccompagne mon père frappé
d'étonnement à la voiture, enfreins la foule qui s'est rangée pour nous laisser passer. Les gardiens
viennent refermer la barrière derrière nous.
J'aide mon père à descendre en le soutenant du mieux que je peux. Ma tante vient nous rencontrer
avec une tasse à la main.
- Je t'ai fait faire du thé. Dit-elle à mon père. Je ne sais pas comment ils ont su. En rentrant,
on n’a vu personne. C’est une domestique qui est venue m'en avertir. Vraiment, je suis
désolée...Allez, bois ça.

Il en prend deux gorgées et ma tante le raccompagne dans l'une des chambres d'ami pour qu'il se
repose car il refuse d'aller dans la sienne.
Pendant ce temps, je vais au salon où je trouve Annie, Edouard et mon mari. Mon visage est abattu
et fatigué, ils ont pu le remarquer. Je m'assoie sur Georges et avec une voix à peine audible, je lui
dis:
- Je veux rentrer maintenant. Je n'en peux plus.
- D'accord. On y va. Je suis venu avec ma moto. Mais va leur dire au revoir avant, je
t'attends.
Je me lève et me dirige vers la chambre où doivent être Martha et mon père. J’ai terriblement mal
au corps et lève à peine mon pied du sol. J’ouvre la porte en appelant ma tante. Une voix féminine
me dit de ne pas faire de bruit:
- Shut! Il a réussi par s'endormir.
Je baisse d'un ton pour lui répondre:
- Je vais m'en aller, Martha. Tu l'embrasseras pour moi et dis-lui que je viendrai le voir la
semaine prochaine. J'appellerai pour prendre de ses nouvelles.
- Tu n'as même pas le numéro.
- Je ne l'ai jamais oublié, Tati. Dis-je en souriant presque.
Je m'approche d'elle, lui embrasse la joue en la serrant contre moi.
- Prends soin de lui.
Alors que je m'apprête à quitter la pièce, elle m'appelle:
- Emma!
- Oui?
- Cette Annie est vraiment ta meilleure amie? Me demande-t-elle.
Une telle question m'étonne.
- Bien sûr. Je la connais depuis toute petite. Elle fait tout son possible pour m'aider quand j'ai
besoin d'elle. Ah! Tu ne t'imagines pas quel genre d'ami est-ce.
- Je ne m'imagine pas, on dirait. Bredouille-t-elle.
- ...Mais pourquoi une telle question?
- Juste comme ça, Répond-t-elle.
Je la prends dans mes bras.
- vas-y maintenant, ma chérie. Fait-elle en se libérant de notre étreinte. Tu es fatiguée, va te
reposer.
Je lui souris encore une fois et quitte la pièce. En sortant, je l'entends soupirer en murmurant le
nom de ma mère. J’ai compris à ce moment-là que perdre sa sœur lui est aussi douloureux et fatal
qu'à nous et qu'elle sauvait les apparences toute la journée. Elle en est gravement affectée.
Je salue mes amis qui me promettent de venir me voir et grimpe sur la moto de mon mari.
Fatiguée, J'appuie ma tête sur son dos et passe mes mains autour de sa taille en fermant les yeux.
Je ne les ferme pas parce que j'ai sommeil mais parce que je pense à ma mère. Je lui fais mes
derniers adieux en remémorant nos plus beaux moments. Je réfléchis à combien elle va me
manquer (encore plus maintenant), me demande si mon père va s'en sortir tout seul. J’aurais aimé
passer la nuit avec lui, dans ses bras, pleurer notre femme ensemble, passer juste un moment entre
un père et une fille qui saluent le départ de la fée du foyer. Mais dans la vie, bien que l'important
compte, il faut savoir choisir l'essentiel. Et Georges est mon essentiel désormais. C’est lui que
j'avais suivi sans savoir où il m'emmènerait et c'est lui que je suivrai toujours même quand il me
perdrait. J'aime énormément mon père mais je ne peux en aucun cas fuir mes responsabilités
envers Georges. Je suis mariée, c’est auprès de lui que je dois être peu importe les circonstances.
En moins d'une heure, nous arrivons chez nous. Il est environ 6h du soir et il va faire nuit. Il rentre
sa moto pendant que j'opte pour une bonne douche. J’enfile ma chemise de nuit et m'apprête à aller
dormir quand je sens quelqu'un me prendre par la taille.
- Pas ce soir. Tu vois que je suis fatiguée. Dis-je en me retournant.
- Mais puisque j'ai envie de toi, chérie. Riposte-t-il.
Il m'embrasse le cou et quand il s’apprête à enlever ma chemise de nuit, je l'arrête:
- Ce n'est pas le moment, Georges. C'est un jour de deuil pour moi, aujourd'hui. Ma mère est
morte! Je lui rappelle.
A ces mots, il s'enflamme de colère et me pousse sur le lit:
- Tu ne peux pas me faire l'amour alors que toute la journée, tu t'amusais à roder autour de
cet Édouard!
J'essaie de me relever:
- Mais qu'est-ce qui te prend, Georges? Tu me frappes en de telles circonstances et m'accuse
pour avoir été soutenue par mon ami?
Ses traits s'endurcissent et sa mâchoire se crispe. Cependant, il n'ose pas me répondre, honteux de
sa réaction.
Je prends un oreiller et me dirige vers le salon.
- où est-ce que tu vas? Me demande-t-il en me retenant par le poignet.
-Je vais dormir au salon. Dis-je sans me retourner.
D'un geste rapide, il m'amène à lui sans lâcher mon poignet. Nos lèvres se touchent presque. Je fuis
son regard qui exprime toute la colère du monde.
- Tu vas dormir ici. Dans cette chambre. Dans notre chambre et avec moi, précise-t-il.
- Tu me fais mal, Georges. Dis-je tout bas en regardant mon poignet.
Son visage s'assombrit. Il lâche mon poignet et me donne dos comme s'il a honte de me regarder.
- Je suis désolé, Emma. S’excuse-t-il en adoucissant sa voix.
Je ne lui réponds pas, incapable de prononcer un seul mot. Plusieurs idées trottent dans ma tête. Je
vois bien que mon mari est perturbé par je ne sais quoi, il a toujours été comme ça. Je l'ai toujours
vu ainsi: parfois tendre, parfois méchant avec moi ou les deux à la fois. Je voudrais percer ce
mystère, comprendre ce qui le tracasse à ce point. Certaines fois, j’essaie de me persuader que c'est
moi le problème. Peut-être que je fais trop ou pas assez. Ou peut-être qu'il est temps que j'accepte
de vivre avec lui sans me poser des questions auxquelles la vie refusera toujours de me répondre.
C’est mon mari, point barre. Pourquoi devrais-je refuser de vivre avec ses défauts? Je n'ai pas
épousé un ange, après tout. D'ailleurs, le Georges gentil qui ne me provoque pas ne me conviendra
jamais.
Devant mon silence, il se tourne vers moi, se débarrasse de l'oreiller que j'ai pris pour aller dormir
et caresse ma joue droite avec la sienne alors que ses doigts s'entremêlent avec les miens. Ses
lèvres embrassent le lobe de mon oreille, descendent à mon cou puis remontent à mes lèvres
pendant qu'il me chuchote:
- Pardonne-moi. Ne me refuse pas, stp.
Je reste figée. J’ai le regard fixé dans le plafond. Je ne réponds pas à ses baisers. Ça n'a pas l'air de
le déranger, il continue. Il me mordille les oreilles-ce qui m'excite d'habitude-pendant qu'il me dit
tout bas:
- Dis-moi que tu m'aimes.
Je ne lui réponds pas.
- Je me suis excusé, merde! S'énerve-t-il en me poussant.
En une fraction de seconde, je suis adossée au mur. J’ai horriblement mal à l'échine, je me laisse
glisser pour m'assoir sur le tapis. Je me mordille la lèvre inférieure. Je ne veux ni protester ni
pleurer.
- Je ne t'ai rien dit du fait que tu sois allée chez tes parents sans m'avertir, hurle-t-il en me
pointant du doigt. Je ne t'ai non plus pas reproché que tu m'aies laissé pour être en compagnie de ton ami. J'ai essayé de te comprendre, de te soutenir. Et tu me refuses cette
nuit? Merde! Tu penses que tu es la seule à avoir des problèmes dans ce monde? As-tu déjà
pensé au sort des autres malheureux que les riches exploitent? Au moins à toi, on te rendra
justice pour ce qui est arrivé. Et à moi, alors? Qui me rendra justice? J'ai mes problèmes
aussi!
Je n'ai jamais entendu Georges parler ainsi. On dirait qu'il en a après des gens qui lui ont fait du
mal mais c'est moi qui suis victime de sa rage. Ses yeux sont remplis de larmes. Il se les essuie
rapidement comme s'il a honte que je le vois dans cet état. Cela m'attriste. Comme toujours, c'est à
moi de plier l'échine:
- Je te demande pardon, Georges.
Il essaie de sourire et s'agenouille devant moi:
- Tu es tellement douce, Emma. Vraiment, j'aurais dû te rencontrer bien avant tout ça.
Un voile de désespoir et de regret se déploie sur son visage pendant qu'il prononce ces mots. Je ne
veux pas comprendre ou du moins j'ai peur de lui demander ce qu'il veut dire pour le moment. Il
m'embrasse les mains l'une après l'autre. Je lui souris cherchant à cacher la douleur que je ressens à
l'échine. Mais le fait que je n'arrête de me mordiller les lèvres me trahit.
- Tu as mal? Me demande-t-il.
Je réponds par la négative. Il me soulève et me dépose au lit en m'embrassant. J’ai toujours mal
mais il ne s'en aperçoit pas. Je me laisse faire quoi que mes pensées se projettent ailleurs: portées
vers ma mère.

Mon bien, mon mal [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant