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Déjà un mois depuis que Georges ne me regarde plus. Un mois depuis qu'il ne me parle, qu'il ne
me touche. Un mois depuis que je reste enfermée dans ma coquille, n'osant jamais briser cette
atmosphère de mort qui règne entre nous.
Il ne mange plus à la maison et la nuit, il est rare qu'il y reste. Il ne vient que pour se baigner ou
pour changer de vêtements. Après, il disparaît aussitôt.
Je déteste cette sensation que de le voir près de moi et ne pas pouvoir le toucher. De savoir qu'il
m'évite. Je n'en peux plus. Tout de lui me manque: ses baisers, ses caresses et même...ses coups.
- Frappe-moi, Georges!
Je me tiens devant lui l'empêchant de prendre ses vêtements dans la penderie.
- Quoi?!S'étonne-t-il.
Telle une proie qui se livre volontairement à son prédateur, je m'accroche à son cou répétant
toujours les mots que je venais de prononcer en sanglotant.
- Frappe-moi. Frappe-moi, Georges. Stp.
Il ne bouge pas. J'en profite pour respirer son odeur qui m'avait tant manqué. Mais ce dont mon
cœur a le plus besoin en ce moment c'est qu'il me touche. Que ce soit pour me caresser ou me
frapper, Je veux sentir ses mains effleurer chaque partie de mon corps.
- Depuis un mois, tu m'évites alors que tu sais que tu m'es vital. Je ne peux pas vivre sans toi,
tu comprends? Je ne peux pas. Tu me manques à mourir. Je ne veux pas que tu me laisses
seule, j'ai besoin de toi à mes côtés. J'accepte d'être menée à ta guise, je ferai tout pour toi.
Que je sois victime de ta colère, je m'en fous. Je veux juste que tu me touches, que tu me
caresses. Et si toutefois...et si toutefois...
Je pose mon front contre le sien, mes mains accrochées à son cou, me mettant sur la pointe des
pieds. Un torrent de larmes se déverse sur mes joues alors qu'il ferme les yeux, se mordant la lèvre
inférieure comme s'il ressent ma douleur:
- Et si toutefois, reprends-je, tu ne veux pas me caresser, alors...Alors, frappe-moi.JE T'EN
SUPPLIE.
Il ne bouge pas et un silence de mort prend place entre nous. Impatiente, je tapote son torse de
quelques faibles coups de poings qu’il ressent à peine.
- Georges ! Je te dis de me frapper ! crié-je en le poussant.
- Arrête avec ton jeu, Emma. Dit-il en décrochant par-dessus ma tête un T-shirt avant de se
diriger vers le salon.

Je l’agrippe par derrière et dépose ma tête sur son dos. Il s’arrête net. Je sens Les battements de
mon cœur se redoubler comme si j'allais mourir d'une crise cardiaque. Il se retourne tout
doucement pour plonger son regard dans le mien. .Je souris malgré mes pleurs espérant que j'ai
regagné mon mari. Mais ses yeux qui fixent aussitôt mon ventre m’enlèvent ce sourire, me doutant
déjà de ce qu'il va dire.
- Si vraiment tu me veux, tu sais quoi faire.
Puis, il me laisse seule dans l’allée. Je n'ai même plus la force de le retenir.
Je suis bien consciente que mon monde est en train de s'écrouler et il disparaîtra si je ne fais rien.
Je retourne dans la chambre. Je me regarde pendant un long moment dans le miroir et réalise
combien j'ai maigri. Je ne suis plus la belle Emma que j'ai toujours été. Quoi qu'à la fleur de l'âge,
je remarque quelques rides sur mon visage. Mes yeux sont bouffis et ils ne sont plus aussi beaux
qu'avant: les larmes ont dévoré leur beauté. Pourtant, ce sont eux qui ont attiré mon Georges.
C'est peut-être pour ça qu'il ne veut plus de moi.
- Imbécile! Fais-je en me giflant.
Je m'approche encore plus près du miroir en caressant ma joue pour voir si je n'ai pas laissé de
trace.
- Je ne veux pas t'abîmer encore plus. Dis-je tout bas.
Puis j'en ris aux éclats venant de prendre conscience que je parle à mon visage. Mon rire n'a rien de
sincère, ce que je veux c'est crier. Crier pour faire entendre ma douleur.
Je me dévore le visage de mes ongles en me giflant de plus belle.
- Tu pleures quand il te frappe. Tu te plaignes quand il ne te touche plus. C'est quoi ton
problème à toi? Hein? Tu n'es qu'une imbécile. Me reproché-je parlant à mon reflet.
Sachant que je n'aurai pas d'explication, je défais ma queue de cheval d'un geste rapide et presque
brusque. Je vais prendre des ciseaux dans un tiroir et reviens aussitôt pour me couper les cheveux,
rageusement, jusqu'aux oreilles.
- Voilà! Tu es subl...
Je me rends compte que je me mens.
- Tu es encore plus moche! Crié-je.
Je prends le pot qui se trouvait à côté du lit, le frappe contre le miroir. Les deux se fendent en mille
morceaux. Tout comme mon cœur, d’ailleurs.
Je sais bien que rien n'apaisera ma colère si ce n'est la présence de Georges. Je le désire plus que
tout. Je veux l'entendre me dire que dans mon corps ou mon visage il n'y a rien de changé et que 65
même si c'est le cas, il m'aimerait malgré. Mais ma conscience ne cesse de me rappeler que mon
homme est têtu.
Si je le veux vraiment, je sais quoi faire.

***
- J'en veux trois. Précisé-je.
Le pharmacien me déshabille du regard comme s'il a vu un fantôme.
- C'est vraiment vous, Mlle Luz?
- Non. Je suis Mme Thomas. Le corrigé-je.
- Qu'est-ce qui vous est ar...
- Contentez-vous de me donner ce que je vous demande.
Il respire à fond, presqu'en évitant de me regarder.
- Vous avez une prescription? Parce que sinon...
- Sinon quoi ? à vous seuls, vous croyez pouvoir changer le pays? J’aurais pu les prendre à la
pharmacie d’en face mais ils n’en ont plus.
- Votre prescription s’il vous…
Je lui tends le double de l'argent avant qu'il ne termine sa phrase.
- Je vois. Murmure-t-il sans prendre l'argent.
Il s'excuse un moment puis revient vers moi.
- Voilà!
- Merci! Dis-je tout bas sans daigner le regarder.
Il prend l'argent et me tend la monnaie. Je souris timidement pour l'en remercier et alors que je me
retourne pour m'en aller, je l'entends crier:
- Vous n'êtes pas obligée, vous savez? On peut toujours s'en sortir tout seul.
Je continue ma route, déterminée et convaincue que je fais ce qu'il y a de mieux pour sauver mon
mariage.

Mon bien, mon mal [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant