Morceaux 1

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J'étais appuyée contre la voiture noire de ma tante, un pied reposant sur la portière. Mes bras étaient croisés sous ma poitrine et mes yeux, fixés sur ma cousine, la regardant remonter l'allée difficilement.

Ça faisait à peine dix minutes que j'étais arrivée devant leur maison qu'Olivia n'en faisait déjà qu'à sa tête. Elle avait affirmé pouvoir prendre mes bagages seule et les emmener jusqu'à l'intérieur. Son père lui avait dit qu'elle n'y arriverait pas et, prenant cet avertissement comme un défi, Olivia s'était dépêchée de prendre mes valises et de les pousser en direction de la porte d'entrée.

Elle n'était même pas encore arrivée jusqu'à la boîte aux lettres qu'elle était déjà essoufflée.

— Ma puce, lâche ça tout de suite, tu vas te briser les os.

Olivia ignora les paroles de sa mère et continua son parcours du combattant. La connaissant assez pour savoir qu'elle irait jusqu'au bout de sa bêtise, je pris mon sac à l'intérieur de la berline et m'élançai vers la grande maison. Je m'arrêtai devant la porte puis ouvris celle-ci pour aider un minimum Olivia.

Lorsque je l'ouvris, une odeur familière emplit mes narines. L'odeur de grand-mère. Je ne savais pas comment mais ma tante arrivait à garder cette odeur des jours après son départ. En effet, mamie Jude venait au moins une fois tous les deux mois rendre visite à sa fille au Canada. Elle disait que ça lui permettait de se dégourdir les jambes et de s'en aller loin du temps monocorde londonien.

Même si ma grand-mère habitait à Londres, j'étais bel et bien française. Enfin, j'avais vécu et grandi là-bas mais j'étais née ici, à Montréal. Alors que mes parents et moi étions partis vivre à Paris après la naissance de mon frère, ma tante et sa famille y étaient restés. Mamie Jude, quant à elle, avait décidé de quitter ce pays pour aller vivre au Royaume-Uni sous un coup de tête. Ma tante avait vraiment été énervée, elle avait menacé ma grand-mère de l'interner dans un EPAD si elle ne renonçait pas à cette décision. Au final, elle y était allée et je ne savais toujours pas comment elle avait réussi à convaincre sa fille.

Olivia avait finalement réussi à porter mes valises, les laissant tomber dans un bruit sourd sur le magnifique tapis gris de sa mère.

— Ta mère risque de t'étrangler si tu as fait une trace sur son tapis.

Elle haussa les épaules, faisant remonter ses boucle rousses. Olivia avait hérité des yeux verts de sa mère et des taches de rousseur de son père. Elle avait les traits fins et une longue et fine silhouette.

— Ça fait combien de temps que tu n'es pas venue ici ?

Je suivis Oli' jusqu'à la cuisine au style farmhouse puis m'assis sur un tabouret. Elle attrapa une pomme dans le panier à fruits et alla en direction du lavabo pour la laver.

— La dernière fois que je suis venue, vous n'aviez pas encore rénové la maison, dis-je tout en passant ma main sur le comptoir en marbre.

Lors de mon dernier séjour ici, la cuisine était en bois de chêne et les murs, d'un vert amande. Maintenant, le sol était devenu du parquet et les murs, peints en blanc. Le bois sombre du mobilier avait laissé place à une teinte bleu/gris et un plan de travail tout en marbre blanc.

— Ça fait pas très longtemps qu'on a rénové, donc depuis combien de temps tu n'es pas venue rendre visite à ta cousine préférée ?

J'esquissai un sourire face à cette absurdité.

— Tu n'es pas ma cousine préférée et je ne suis pas revenue ici depuis la mort de maman.

Olivia croqua de nouveau dans sa pomme avant de jeter le trognon dans la poubelle. Elle hocha la tête puis descendit du plan de travail où elle était assise.

La joueuse de violonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant