Morceau 6

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— J'en peux plus. Je vous en supplie, que quelqu'un arrête ce supplice !

Samedi matin, le soleil rayonnait de mille feux et les températures avaient grimpé de cinq degrés. Les présentateurs météo nous conseillaient de sortir avec des lunettes de soleil et un chapeau, le tout accompagné de crème solaire. Il n'y avait pas à dire, il faisait extrêmement chaud. Heureusement pour nous, mon oncle avait fait construire une piscine l'année dernière.

Toute la famille était au bord de cette dernière, de la citronnade trônant sur la table. La journée semblait bien se comporter. Enfin, jusqu'à ce qu'un bruit cacophonique vienne nous déranger.

— Mais que quelqu'un la fasse taire, bon sang ! dit Olivia, allongée sur un transat.

Nous étions tous les cinq en train de discuter quand le bruit d'un violon vint nous interrompre. Malheureusement, la personne qui jouait n'était pas vraiment douée.

— Mais qui a eu l'idée d'acheter un violon à Sophie ?

— Ton père, lança Tante Marie à son fils.

Sophie était la dernière de la fratrie. Elle allait avoir douze ans et était déjà grande. Mature pour son âge, c'est elle qui se chargeait de réconcilier son frère et sa sœur.

Olivia m'avait dit qu'elle avait commencé à jouer d'un instrument, mais le fait que ce soit un violon ne m'avait pas traversé l'esprit. Tout le monde dans cette famille connaissait ma relation avec cet instrument.

— C'est elle qui voulait savoir en jouer, dit mon oncle pour se justifier. Elle a toujours voulu te ressembler, Anna.

Je lui fis un sourire un peu forcé. J'adorais Sophie, elle avait toujours été la petite sœur que je n'avais jamais eu. Elle m'avait un jour dit qu'elle était ma fan numéro un. Quand elle avait du mal à dormir, elle me demandait de jouer pour elle un morceau et, la minute d'après, elle tombait dans les bras de Morphée.

Je compris le sous-entendu de mon oncle et je voyais bien qu'il en était gêné. Ne voulant pas que cette histoire traîne en longueur, je me levai de ma chaise et allai directement dans la chambre de ma petite cousine.

Comme prévu, elle était debout face à son pupitre. Le violon déposé entre son épaule et son menton, son archet était prêt à venir caresser les cordes de l'instrument. Avant que le supplice ne recommence, je l'interrompis :

— Alors, comme ça, tu veux devenir violoniste professionnelle ?

Sophie sursauta, ne s'attendant pas à ce qu'on vienne la déranger. Lorsqu'elle me vit, ses yeux s'ouvrirent en grand et un sourire vint recouvrir son visage :

— Je jouais la lettre à Élise. Tu as reconnue ?

— Bien sur, lui dis-je en m'asseyant sur son lit .

Elle était tellement fière et enthousiaste que je ne pus briser ce moment. Comment lui dire que ce qu'elle venait de faire ressemblait plus à un cochon écorché vif qu'à l'œuvre de Beethoven ?

— Ravie que tu le dises. Les autres ne comprennent pas ma musique. Mais je savais que, toi, tu la comprendrais.

Elle déposa délicatement son violon sur son bureau et vint me rejoindre sur le lit.

— Tu es venue pour me regarder jouer ?

— Pas exactement. Ton père m'a demandé un service. Sophie me regarda, intriguée. Je vais te donner quelques cours de violon.

Son visage s'illumina encore plus. Elle se jeta sur moi, m'enlaçant avec toute la force qu'elle avait. Elle se leva ensuite et se dirigea vers son violon. Elle réapparut devant moi et me tendit son instrument:

La joueuse de violonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant