Morceau 2

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— Putain, merde !

J'étais déjà passée au moins deux fois par cette route. Le GPS de mon portable n'était même pas capable de m'emmener jusqu'à ma destination. Il était déjà midi passé et Olivia m'avait déjà envoyé plusieurs messages.

Je devais la rejoindre à l'Astad, une espèce de bar/restaurant où se réunissaient tous les élèves de leur lycée. D'après elle, j'allais me faire plein d'amis et je pourrais sûrement rencontrer les siens. Je ne savais pas pourquoi, mais je sentais que ça allait mal se passer.

Olivia avait déjà proposé de m'envoyer sa géolocalisation mais j'avais décliné. J'étais déjà allée là-bas, je pouvais trouver cet endroit toute seule. Enfin, ça, c'était ce que je pensais il y a au moins une demi-heure. J'avais une folle envie d'appeler Olivia et lui dire de me l'envoyer mais une partie de moi m'en empêchait. J'étais beaucoup trop fière et c'était sur ce point que je ressemblais à ma cousine. Nous voulions tout faire toutes seules. Lorsque l'une était finalement obligée de demander de l'aide, l'autre s'en réjouissait. Il était alors hors de question que je lui donne ce privilège.

J'allais réussir à arriver à l'Astad sans demander de l'aide ou, en tout cas, Olivia n'en serait rien.

Relevant la tête de mon portable, je repérai un groupe de trois garçons d'environ mon âge venir dans ma direction. Je pris mon courage à deux mains et décidai d'aller à leur rencontre.

— Salut, désolée de vous embêter mais j'ai vraiment besoin d'aide.

Ils me regardèrent tous avec étonnement. Voyant qu'aucun d'entre eux n'allait prendre la parole, je repris :

— Je suis nouvelle ici et j'aimerai aller à l'Astad, je ne sais pas si vous connaissez.

Le grand brun au type basané tourna légèrement la tête en direction de ses amis, positionnés juste derrière lui. Ils échangèrent un rapide regard puis celui à sa droite, un blond aux yeux verts, dit :

— Elle a l'air complètement paumée, on devrait l'aider.

— Vous parlez français, génial, moi aussi ! dis-je en m'immisçant dans leur conversation.

J'avais beau maîtriser l'anglais, le parler restait toujours aussi gênant. Mon père le parlait couramment et pareil pour ma mère. Avant qu'elle meurt, l'anglais était la langue principale à la maison. On devait le parler seulement à la maison et dans les cours de langue. Dès que nous étions dehors, que ce soit avec nos parents ou nos amis, mon frère et moi avions pour ordre de ne parler que français.

Ça n'avait jamais été un handicap, bien au contraire. Quand nous devions écrire une rédaction, beaucoup venaient me demander de l'aide et ça ne m'avait jamais dérangé. Mes amis me disaient même que, parfois, je mélangeais le français et l'anglais, plaçant des expressions par-ci par-là.

J'adorais parler anglais avec maman mais, depuis qu'elle était partie, j'éprouvais une gêne immense. On ne parlait plus anglais à la maison et, sans m'en rendre compte, cette langue, que certains qualifieraient comme langue maternelle, était devenue pour moi totalement inconnue.

Le garçon qui était un peu plus en avant acquiesça à la demande de son ami puis se retourna vers moi, un sourire étincelant aux lèvres :

— On dirait bien que c'est ton jour de chance, on s'y rendait justement.

Je soupirai de soulagement, ravie de cette nouvelle.

Si on était en France, je pensais que jamais je ne suivrai un groupe de trois garçons inconnus. Mais là, je ne savais pas pourquoi, je ne sentais aucun danger. Peut-être était-ce l'effet Canada ?

La joueuse de violonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant