Morceau 9

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Son souffle était tout près du mien, suffisamment près pour que je sente la chaleur émanant de ce dernier. Il n'avait pas dit un mot depuis un moment, se rendant sûrement compte de sa proximité. De loin —ou même de près—, notre position pouvait laisser imaginer des chose qui n'étaient pas. Personne ne pouvait penser que, en réalité, j'étais entrain de vivre mes derniers instants.

Tyler s'éloigna de moi lorsqu'une fille au cheveux roux passa dans le couloir. Elle nous fixa un moment et, quand Tyler lui envoya un regard presque aussi noir que celui qui m'était destiné plutôt, elle déguerpit vite.

Il se reconcentra sur moi. Il me jaugea un moment, un très long moment. Je devais lui faire pitié, à tel point que son humeur changea du tout au tout. Il passa du Tyler prêt à me faire passer un mauvais quart d'heure au Tyler habituel et à la mine blasée.

Il passa sa main sur son visage avant de la replonger dans sa poche:

Suis-moi, m'ordonna t-il.

Il ne m'attendit pas et commença à avancer énergiquement dans le couloir. Quand il se rendit compte que je ne le suivais pas, que j'étais restée collée aux casiers, il me lança un regard impatient.

— Je dois aller en cours.

Je me détournai de lui et partis en direction de ma salle, mes livres collés à mon torse. Je n'eus le temps de faire un pas de plus que Tyler me prit le poignet et me retourna de sorte à ce que je le suive. Il ne me tenait pas au point de me couper la circulation, mais assez pour que je ne me dégage pas.

Tu as déjà entendu une conversation qui ne te regardait pas, tu me dois au moins ça.

Il ne se retourna pas pour me dire ça, trop occupé à me kidnapper sans se faire repérer.

D'aussi loin que je me souvienne, je n'avais jamais séché de cours. A Paris, j'étais dans une école privée et les notes avaient toujours été importantes pour mon père. Je devais avoir des notes excellentes, un comportement impeccable et un bulletin immaculé.

Au début, je détestais cette école remplie d'enfants étalant leurs richesses les uns après les autres. J'en faisais partie pour certains, ceux ayant eu une bourse. Mais jamais je ne m'étais rabaissée à leur niveau. Je ne regardais pas de haut ceux qui n'avaient pas les mêmes moyens que moi et ne faisais pas une crise à mon père parce que je n'avais pas eu le dernier sac à la mode.

Après des mois de souffrance, j'avais finalement accepté cette fatalité et continué mon année sans me plaindre. Qu'importe les raisons pour lesquelles mon père m'avait envoyé dans cette école, il fallait que je m'y fasse et que j'avance. J'avais trouvé un nouvel objectif, je devais y finir mon parcours scolaire pour avoir la chance de rentrer dans l'une des plus grandes écoles de musique.

Attache ta ceinture, j'ai pas envie de me retrouver à nouveau en garde à vue.

Je fis ce qu'il me dit et, après avoir roulé des kilomètres, je décidai de lui dire ce qui me tracassait depuis quelques minutes.

— Comment ça se fait que tu puisses aller autant de fois au commissariat et toujours t'en sortir sans casier judiciaire?

Pour ton information, je n'ai pas de casier judiciaire. Du moins, pas encore.

Il me jeta un rapide coup d'œil lorsqu'il dit cette dernière phrase. Je levai les yeux au ciel.

C'était une question que je m'étais posée la première fois que j'avais vu Tyler. Il était sortit de façon tellement blasée, comme s'il avait simplement jeté les poubelles, comme s'il passait ses après-midis au commissariat à jouer aux cartes.

La joueuse de violonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant