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Il redescendit les escaliers et tourna dans les couloirs pendant un bon moment sans retrouver l'album. Peut-être Jimin l'avait-il rangé? Mais il n'y croyait pas.

Au lieu de tourner à droite comme il l'avait fait trois fois de suite à l'angle d'un couloir, il tourna à gauche et, à sa grande surprise, se retrouva dans une immense salle dont les étagères étaient remplies de livres en tout genre. Il passa un doigt sur les reliures pleines de poussière puis se souvint : l'album, l'hôpital, Jimin.

Secoue-toi!

Jungkook remarqua une toute petite porte à moitié cachée derrière une tapisserie, dans un coin de la pièce. Il s'approcha et tourna la poignée pour découvrir un cagibi rempli de babioles. Le sol était recouvert d'une grosse couverture et des coussins multicolores. Et sur une étagère bancale...

«L'album!» soupira Jungkook avec soulagement.

Il le fourra dans la poche de son manteau à côté de la lettre, et sortit de la pièce en courant. Il fut arrêté au bas des escaliers par un ronflement puissant. Un frisson parcourut son échine. Les sens en alerte, il monta les marches quatre à quatre en faisant le moins de bruit possible. Il avait assez traîné.

Lorsqu'il entra dans la chambre, il retrouva Jimin dans la même position qu'il l'avait laissé. Seul le sang qui tachait les draps et gouttait par terre témoignait du temps qui s'était écoulé. Inquiet, Jungkook glissa ses affaires personnelles - téléphone, porte-monnaie, écouteurs - dans ses poches également. Puis se força à inspirer et expirer lentement pendant quelques minutes. Il avait besoin de faire le point.

Durant cette affreuse nuit, ils en avaient vu de toutes les couleurs et Jungkook s'était retrouvé totalement désemparé devant le viol de son petit-ami. Les images lui revinrent en tête mais il s'efforça de les repousser. Il avait besoin d'être fort, et si ce n'était pour lui, il fallait que ce soit pour Jimin. Pour lui montrer qu'il pouvaient compter l'un sur l'autre. Et cela commencerait à se vérifier quand Jungkook aurait sortit son petit ange d'ici.

Allez, Jungkook. Sois fort. Pour lui.

Sans plus attendre, il souleva Jimin en princesse et l'emporta hors de la chambre. Il descendit les marches à pas de loup et, pour une fois, félicita amèrement Jimin d'être aussi maigre et donc léger.

Jungkook retrouva à grand peine le chemin du hall dans cette demeure labyrinthique. Il abaissa la poignée de la porte d'entrée avec son coude et fut accueillit au dehors par une bourrasque. Il resserra maladroitement la couverture brune autour de Jimin et allait poser un pied quand le claquement caractéristique d'une arme qu'on charge retentit derrière lui.

«Tu as l'air bien pressé, mon garçon.»

Jungkook se retourna, une expression d'horreur sur le visage. Le père de Jimin se tenait au milieu du hall, un fusil de chasse à la main. Il arborait un rictus cruel et Jungkook se sentait sur le point de s'effondrer. Mais il nous pouvait pas : il tenait toujours Jimin évanoui dans ses bras. Et quand bien même Jimin serait à l'autre bout du monde, hors d'atteinte de son père, Jungkook refusait de se montrer faible devant ce dernier.

«Je n'ai jamais eu l'occasion d'expérimenter ces balles sur des humains.»

Jungkook sentit sa résolution fléchir. Dans ses bras, Jimin était de plus en plus lourd malgré sa maigreur et le sang qui coulait de ses plaies à vif poissait les mains du brun. Affolé, celui-ci fit la première chose qui lui vint à l'esprit pour se sortir de là : il pivota sur ses talons, se jeta hors de cette maison d'horreur et couru à en perdre haleine dans la rue. Il était à découvert au milieu de la route mais M. Park était tellement soûl qu'il ne visait pas et tirait n'importe où. Le jeune se mit à bénir l'alcool de tout son cœur.

Jamais il n'avait détalé aussi vite. Le cœur battant à mille à l'heure, Jimin ballottant dans ses bras au rythme de chacune de ses foulées, il pensait avoir semé l'ivrogne quand un coup de feu l'obligea à s'accroupir pour éviter la balle qui fusa au dessus de sa tête. Il repartit immédiatement, réfléchissant à un moyen de se sortir de cette situation merdique malgré la panique qui menaçait de le submerger.

Ses yeux accrochèrent d'épais buissons épineux au bord de la route. Sans songer une seule seconde à une autre alternative moins f, il bondit dans les branches pointues à pieds joints. Des craquements accompagnèrent sa chute mais M. Park avait l'air de s'être soûlé avec application, car il ne remarqua rien et passa devant les buissons en se grattant l'entre-jambe.

Jungkook émit un bref soupir de soulagement, avant de se rendre compte de l'état catastrophique dans lequel se trouvait Jimin. Ses vêtements étaient déchirés, ses cheveux blonds teintés de pourpres pleins d'épines et ses blessures avaient l'air plus monstrueuses que jamais. Plus question de le transporter ainsi.

Jungkook sortit son téléphone, les mains tremblantes, et tapa un numéro avant de porter le combiné à son oreille. Allez, décroche, décroche... Ce que l'interlocuteur fit au bout de huit sonneries interminables.

«Â-Âllo? balbutia Jungkook. Oui... Nam, c'est t-toi? Oh, mon Dieu, je suis si heureux de t'entendre... Il... Il faut que tu nous emmène à l'hôpital!... Nous sommes au domicile de Jimin... Je te le dirais plus tard, Nam, c'est urgent!... Il a perdu beaucoup de sang, je t'en supplie, viens nous chercher! Tu es mon dernier espoir... Oh, Nam merci!»

Jungkook raccrocha et une bouffée de désespoir l'envahit. Tant de questions se bousculaient dans sa tête... Et si Namjoon arrivait trop tard? Et si Jimin mourait avant qu'ils puissent atteindre l'hôpital? Et s'il était déjà mort?! Jungkook pressa son index dans le cou du blond. Après un instant d'effroi, il sentait son pouls battre sous son doigt. Faible, irrégulier, mais encore bien présent. Le brun soupira de soulagement. Puis, lentement, ses paupières s'alourdirent d'elles-mêmes. Et il ne vit plus rien.

Un vent froid se répandit dans le quartier. Les feuilles mortes se soulevèrent et tourbillonnèrent tels de petits cyclones avant de mourir peu à peu. Les arbres flanchaient devant les bourrasques violentes. Et quelque part dans un buisson d'épines, reposaient deux adolescents blessés et brisés. Laissés pour morts.

Il était plus de minuit lorsqu'une voiture s'engagea sur la route de ce quartier chic et s'immobilisa devant une grande et sinistre demeure. Une sonnerie de téléphone portable retentit quelque part dans la nuit.

Mais rien ne bougeait.

ՏᎪᏙᎬ ᎷᎬ 1 ʲⁱᵏᵒᵒᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant