A comme Rêveuse Pastourelle

24 3 6
                                    

Alice.
Nous avions passé la journée côte à côte et presque sans un mot.
Mes pensées vagabondaient en liberté comme à leur habitude.
Je ne les bride jamais : elles paissent dans les vertes prairies de mon imagination, paisibles moutons dont la fourrure est un patchwork de couleurs et d'odeurs.
Mes moutons buvaient donc tranquillement à l'eau fraîche et claire du torrent lorsqu'ils furent interrompus par la sonnerie stridente de la fin des cours.

Je m'ébrouai, trempée de mes rêveries de la tête aux pieds lorsque le raclement de ta chaise me rappela ton existence.
Je ne t'avais pas oubliée, non !-
Comment aurais-je pu ?-
Je t'avais simplement reléguée dans un coin de ma prairie, dans le bout inhabité de mon jardin secret à moi.

Tous les élèves se bousculaient et chahutaient joyeusement le long du couloir brillant qui menait à la sortie et au soulagement.
Tu avais balancé ton sac sur l'une de tes épaules et tu t'étais précipitée vers la liberté relative qui t'attendait dehors.

J'appris plus tard que c'était bien la seule raison pour laquelle tu acceptais de courir.

Comme une héroïne de film tragique, j'avais levé une main dans ta direction pour te retenir.
Mais nous n'étions pas dans un film, et j'étais toujours le vilain crayon de l'histoire.

Il faisait encore chaud pour ce début de septembre, et quand je sortis du bâtiment, tu étais déjà partie.
Nulle trace d'Alice à l'horizon.

Ne sachant que penser de ma journée, je secouai la tête et rentrai chez moi.
Le crépuscule s'abattit sur mes épaules fatiguées, m'enjoignant d'aller au lit.
Une image m'envoya définitivement dans les limbes du sommeil s'appesantit sur mes paupières déjà lourdes.

Celle du déclin du soleil.
Celle d'une fille aux cheveux bruns.
Celle d'une fille aux lunettes changeantes.
Celle d'une fille cramoisie.

Celle d'Alice.

A Comme AliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant