Alice.
Nous sommes peu à peu devenues amies, au fil des couloirs et des saisons.
J'avais réussi à pousser la porte de ton jardin secret, et j'y découvrais des fleurs sauvages plus belles encore que je ne les avais imaginées.J'appris que tu ne vivais qu'avec ta mère, et que ton père était une mauvaise graine dont il ne fallait pas parler.
J'appris que tu n'aimais pas les mots, mais qu'un de tes gestes en valait mille.
J'appris que ton sourire pouvait éclairer ma journée bien plus sûrement qu'un rayon de soleil.
J'appris qu'en ta compagnie les heures devenaient minutes, et les jours un bonheur sans nom.
J'appris à connaître tes peurs, tes doutes.Nous allions chaque jour chez toi.
Je me souviens parfaitement de ta maison, et je pourrais la repeindre dans les moindres détails.Depuis le collège, nous descendions la rue Diderot jusqu'à la boulangerie du coin.
Nous achetions invariablement des friandises et autres sucreries que je regrette presque autant que toi.
Nous marchions ensuite le long du boulevard d'un pas lent et mesuré.
Il existait un itinéraire plus court, nous le savions toutes les deux, mais nous dérobions au Temps quelques précieuses minutes, et à nos visages quelques sourires enchantés.Nous passions devant nombre de boutiques fermées ou décrépies, rongées par la moisissure du temps.
Des agences téléphoniques ou de voyages, des boulangeries et des pâtisseries marocaines défilaient sous nos yeux las.
Moi, je n'avais d'yeux que pour toi, Alice.Nous tournions ensuite à gauche et passions sous un pont.
Des voitures à nos pieds et des métros au-dessus de nos têtes, nous n'entendions plus rien.
Je détestais la cacophonie urbaine, mais te voir gesticuler dans tous les sens et t'égosiller pour te faire entendre me faisait oublier le reste.Tu devenais alors aussi empourprée qu'aux jours premiers, et je retrouvais mes émois de ce temps là.
Nous empruntions ensuite une route plus tranquille qui traversait un pâté de maisons. Il était aux alentours de seize heures trente, et nous sentions les odeurs de croissant et de pain tout juste sortis du four.
Nos ventres gargouillaient et nous éclations de rire.Il nous en fallait bien peu.
Nous arrivions aux abords de ta maison, dans une rue dont je tairai le nom, car celui-ci éveille en moi des lames de fond douloureuses.
Une fresque colorée était peinte sur le mur qui séparait les deux quartiers.
Elle avait été réalisée par les habitants et elle racontait l'histoire de cette ville.Tu t'en moquais chaque fois que nous passions devant, prétendant qu'un enfant de deux ans pouvait faire mieux.
J'approuvais vivement et je mêlais mon rire au tien même si j'étais convaincue du contraire.
Tu n'as jamais aimé l'art.Ce qui était une libération pour moi était une torture futile pour toi.
J'aimais écrire.
C'était une raison de vivre.Mais tu te riais de moi lorsque j'écrivais, tu balayais de la main mes aspirations les plus profondes.
Alors pour toi, j'ai renoncé à écrire.
J'ai tout arrêté.J'aurais fait n'importe quoi pour toi Alice.
J'aurais vendu mon âme au Diable si tu me l'avais demandé.M'aurais-tu rendu la pareille, Alice ?
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A Comme Alice
Não FicçãoAlice. J'ai toujours aimé ton nom. A comme un commencement. Le début d'un prénom, d'une histoire. La nôtre. NDA : Cette histoire est véridique, à quelques détails près. Les prénoms n'ont pas été modifiés.