A comme Carmin Califourchon

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Alice.
J'engloutis de mes yeux affamés le décor du théâtre de ta vie.
Tu guettais mes réactions, apeurée et pourtant fière de me montrer une autre parcelle de ton jardin secret.

Ta chambre était moins grande que la mienne, et plus sombre même si
les murs peints de blanc donnaient l'illusion d'agrandir l'espace.
Ton lit carmin jurait contre tout ce blanc.
C'était ta petite touche de folie dans ce monde d'individualistes où la conformisation est pourtant souveraine.

Sur ton lit s'entassaient tes doudous et autres vestiges de ton enfance.
Tu me les a montrés, un par un.
Tu m'as expliqué leur signification, leur âge, leur histoire.

Tu t'es laissée emporter par la nostalgie, et moi par la tendresse de te voir radoucie.

Une armoire s'encastrait timidement dans un coin de la pièce, formant une paire sanglante avec le lit.
Elle contenait bien peu de choses, car tu n'étais pas matérielle.
Le lèche-vitrine t'écœurait, au grand dam de ta mère, qui désespérait de faire de toi une vraie femme.
C'était surtout un prétexte, je le compris bien vite, pour passer du temps avec sa seule fille.

Sur ma droite un petit bureau croulait sous les manuels scolaires, de crayons, de gommes et bien d'autres ustensiles d'écoliers.
J'ai souri à l'évocation des crayons, qui me ramenaient de toute évidence au souvenir de notre rencontre.

Tu dus prendre ce sourire comme une validation de ma part, car tu as soupiré de soulagement, et tu t'es effondrée sur ton lit.
Je t'ai rejointe en riant aux éclats, et nous avons entamé une bataille de nounours des plus mémorables.

Je nous revois, ensemble.
Nous nous époumonions à en faire trembler le sommier, et à faire grincer des dents les voisins.
Je ne sais pas comment les lattes du lit ont résisté à nos assauts répétés, à nos rires enroués et à nos visages luisants de félicité.

Toujours est-il qu'au bout d'une heure, je me retrouvai pratiquement à califourchon sur toi sans trop savoir comment j'en étais arrivée là.

Je réalisai alors ce que j'avais toujours plus ou moins su sans oser me l'avouer :

Tu étais magnifique.

A Comme AliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant