Finalement, ce fut Loïcia qui perdit. Personne ne s'était réellement taché, mais c'était sur son visage que l'on voyait le plus de sauce tomate. Alors, on lui demanda de poster sur Instagram une photographie d'elle avec le visage sali. Elle avait voulu refuser, mais le regard suppliant de Melody avait été un argument suffisant pour la convaincre de faire ce qu'on lui demandait. Quand ce fut fait, Augustín applaudit joyeusement.
— Bien, annonça-t-il. Maintenant, le rallye photo. Mesdames, je vous prie de me suivre.
Il se leva et s'en alla, expliquant à ses amies qu'il avait déjà réglé la note. Elle le suivirent. Melody, qui avait retrouvé un léger sourire, était impatiente de savoir ce que Gus préparait. Loïcia, quant à elle, espérait simplement qu'il les embarquait dans quelque chose de légal.
Ils sillonnèrent un long moment les rues de Paris, avant d'arriver sur une petite place, entre de beaux immeubles anciens. L'endroit était magnifique. Il y avait de douces lumières orangées, des bancs en fer forgé. Pour finir de rendre cet endroit romantique, des arbres hauts offraient une intimité tout à fait appréciable. Le plus étonnant était qu'il n'y avait plus qu'une seule personne, une femme qu'on ne voyait pas vraiment dans la presqu'obscurité. Des objets semblaient posés près d'elle, et elle se redressa en voyant Gus arriver. Ce dernier s'avança, regardant ses amies d'un air mystérieux.
— Mesdames, je vais vous embarquer dans un rallye photo nocturne que j'appellerai le Rallye du Bonheur. Tout au long de la soirée, nous allons nous photographier dans Paris. J'ai prévu un appareil photo Polaroïd, et un stylo. Plutôt que de s'étaler en explications inutiles, je vais vous faire une démonstration. Musique s'il vous plaît !
Il ordonna, et la fille dans l'ombre se leva. Elle mis en route une version karaoké d'une chanson que Loïcia ne connaissait pas, et se mit à chanter.
Je regarde en arrière, je vous vois
Les yeux vers la terre, je vous vois— Laquelle de vous deux danse le mieux ?
— Loïcia ! s'écria précipitamment Melody.
— Ah ça, jamais ! répliqua la blonde en reculant d'un pas.
— Loïcia... fais le pour ton amie...
Elle lança un regard noir à Augustín et s'avança à ses côtés.
Même le nez en l'air, je vous vois
Je regarde la mer, je vous vois
Sur la route côtière, tout en bas
au bord de la rivière, je vous vois— Qu'est-ce qu'on est supposés danser ?
— Qu'est-ce que tu danses le mieux ?
— J'aime beaucoup la valse, mais...
— M'accorderais-tu cette danse ? demanda-t-il en s'inclinant.
Même quand tout est noir, je vous vois
Et dans la lumière, je vous vois.Après un instant d'hésitation, Loïcia comprit que ça ne valait pas la peine de protester. Alors, elle hocha la tête, et Augustín eut un immense sourire avant de la prendre par la main pour danser.
Je vous trouve un charme fou
Ce petit je-ne-sais-quoi qui va me rendre flouÉvidemment, cette danse ne ressemblait à rien, et consistait plus à des tentatives de mouvements qu'à une authentique valse. Pourtant, les deux amateurs semblaient apprécier le moment. Même si Loïcia n'était pas à l'aise à cause de la proximité physique, elle abordait un léger sourire. Ils n'étaient pas doués, mais Augustín réussissait à avoir un rythme entraînant, et Loïcia se laissait faire avec plaisir. Ils dansèrent ensemble un long moment. Pendant plusieurs minutes, ils valsèrent, s'abandonnant à un moment hors du temps. Tout deux oublièrent Melody, et tout ce qu'il y avait autour. Il n'y avait plus rien d'autre qu'une masse de cheveux dorés, qui exhalait une odeur de rose, et un regard noisette qui détaillait avec intensité le sourire qui ourlait ces lèvres pulpeuses. Le cœur d'Augustín battait plus fort à chaque fois qu'il faisait tourbillonner Loïcia, et il aurait pu continuer à la faire valser pendant des heures.
Melody, qui avait compris le concept, dégaina l'appareil Polaroïd. Elle prit en photo ses amis, et la photo fut visible quand ils s'arrêtèrent de danser. Ils restèrent face à face pendant de longues secondes, avant que Melody n'intervienne, rompant au passage le charme. Comme si elle était soudainement brûlée, Loïcia s'éloignait d'Augustín. Ce dernier sembla perdu quelques instants, mais se dirigea vers Melody, et dégaina un stylo de son sac. Ils se mit à l'écart quelques instants, et griffonna quelque chose au dos de la photo. Il revint vers ses amies, et montra les quelques mots écrits.
« Il faut être heureux, parce que l'on peut danser, chanter et s'amuser. »
Les yeux de Melody s'illuminèrent et elle sauta au cou d'Augustín qui la serra dans ses bras. Ce dernière tendit un bras pour inviter Loïcia à se joindre à leur étreinte, mais elle refusa d'un signe de main. Après ce refus, Augustín se sépara de Melody, comme si, soudainement, cette étreinte était de trop.
— On peut continuer !
— Augustín, j'ai une question.
— Oui, très chère ?
Loïcia tiqua sur le surnom, mais ne dit rien.
— Comment as-tu réussi à vider une place entière juste pour nous ?
— Ça, c'est mon petit secret. Mais je décrocherai la lune pour les gens que j'aime.
— Je croyais que tu n'aimais pas fréquenter les gens plus d'une semaine.
— Il faut toujours des exceptions pour confirmer la règle. Il faut croire que tu incarnes bien cette exception, répondit-il d'un ton mystérieux en lançant à son interlocutrice un regard bien trop perçant, qu'elle ne sût pas tenir plus d'une seconde.
Loïcia, prise de court par cette déclaration accéléra le pas. Melody, consciente du malaise de son amie, décida de détendre l'ambiance, ce qu'elle réussit avec brio.
Le reste de la soirée se déroula sans accroc. Ils prirent des photos dans des endroits rocambolesques, qui étaient censés rendre heureux.Devant une chocolaterie, parce qu'ils pouvaient manger.
Devant un musée, parce que l'accès à la culture était une chance.
Devant la Tour Eiffel, parce qu'ils vivaient dans la plus belle ville du monde.Augustín avait volontairement exagéré son amour pour Paris, dans l'espoir d'obtenir un sourire de Loïcia... et il y parvint. Après avoir lancé un regard empreint de tendresse à la Dame de Fer, parée de mille lumières, l'objet des désirs d'Augustín lui adressa un petit sourire en coin, qui fit ressortir une fossette, embrasant au passage l'esprit déjà fatigué de l'espagnol.
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Tous les chemins mènent à toi
Lãng mạn« Loïcia est une millionnaire trentenaire, renfermée et imperméable aux émotions. Augustín, lui, est un homme fasciné par la nature humaine et le monde de la nuit. Alors, forcément, il ne pouvait pas passer à côté du mystère de cette femme aux yeux...