Chapitre XI pt. 2

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         Cette soirée avait définitivement semé le trouble dans l'esprit du jeune Augustín. D'ordinaire, il ne fréquentait pas les même fêtes que Janet, mais occasionnellement, il les appréciait. En plus, il y avait tout ce qu'il considérait comme nécessaire à une fête d'exception : des boissons de qualité, peu de convives, une luminosité idéale, un poil d'illégalité pour le sentiment d'invincibilité. Or, cette soirée Just Dance avait été un désastre pour lui. Il avait apprécié la première heure, mais après, il avait passé beaucoup trop de temps sur son téléphone. Il avait été tenté d'envoyer un message à Loïcia, avant de se dire que c'était ridicule, puisqu'il n'avait pas besoin d'elle en particulier.

         Il s'était trompé. Au petit matin, il crut que la blonde à ses côtés était Loïcia. Quand l'inconnue se retourna, il constata, déçu, que le visage qui lui faisait face était bien trop vulgaire et vilain pour être celui de Loïcia.
         Il se leva et s'habilla rapidement. Il s'échappa rapidement des restes de la fêter et monta dans le premier train en partance pour Paris. Heureusement, il ne manquerait à personne.
Assis dans un coin du train, il fixait le paysage qui défilait. Il se mit à songer à ses envies. Il se mit à chercher sur internet des listes qui expliquaient les premiers sentiments amoureux. Dans les lignes d'un article, il tomba sur un extrait qui l'interpella.

« Le désir de celle-ci l'avait à peine effleuré, et semblait blotti, caché derrière un autre sentiment plus puissant, encore obscur et à peine éveillé. Olivier avait cru que l'amour commençait par des rêveries, par des exaltations poétiques. Ce qu'il éprouvait, au contraire, lui paraissait provenir d'une émotion indéfinissable, bien plus physique que morale. Il était nerveux, vibrant, inquiet comme lorsqu'une maladie germe en nous. Rien de douloureux cependant ne se mêlait à cette fièvre du sang qui agitait aussi sa pensée, par contagion. Il n'ignorait pas que ce trouble venait de Mme de Guilleroy, du souvenir qu'elle lui laissait et de l'attente de son retour. Il ne se sentait pas jeté vers elle par un élan de tout son être, mais il la sentait toujours présente en lui, comme si elle ne l'eut pas quitté ; elle lui abandonnait quelque chose d'elle en s'en allant, quelque chose de subtil et d'inexprimable. Quoi ? Était-ce de l'amour ? »

         C'était un extrait de « Fort comme la mort », de Maupassant. Ce court passage dégoulinant de romantisme frappa Augustín comme rarement les mots l'avaient touché. Cet auteur d'un autre siècle avait su poser des mots sur les tourments d'Augustín. Tout lui paraissait soudainement plus clair, mais une zone d'ombre subsistait : il n'était jamais tombé amoureux, et l'idée ne l'avait jamais attiré.

         Un vieil homme qui montait dans le train coupa le flot des pensées d'Augustín. C'était un vieillard chauve, à l'air sympathique. Son grand nez était parsemé de taches de rousseur et ses oreilles décollées lui donnaient un air un peu stupide.

— Excusez-moi, jeune homme, je peux m'installer ?

         Augustin lui lança un drôle de regard. Tout le wagon était vide...

— Oui, oui... répondit-il d'un air distrait en retournant à ses occupations.

         Gus laissa l'homme choir à ses côtés. Le train redémarra et l'espagnol sentit le regard de son voisin se poser sur lui. Il commença à rougir, et supprima la page qu'il lisait sur internet. En effet, cette dernière traitait des « Douze manières de savoir si elle vous aime aussi », et il n'en était pas spécialement fier.

— Tu sais mon garçon, ce n'est pas internet qui t'apportera la réponse. Pour peu qu'elle soit compliquée, tous les conseils qu'ils te donnent ne feront que l'éloigner davantage de toi.

         Rougissant jusqu'aux oreilles, Augustín se mit à bégayer.

— De quoi je me mêle ?

Tous les chemins mènent à toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant