Il était midi, et Augustín dormait profondément. Il avait raté son réveil, et n'était pas allé travailler. Alors, le collège dans lequel il travaillait avait dû s'organiser très rapidement pour pallier à cette absence imprévue. La secrétaire grognait, Adrien, le voisin de classe de l'absent se faisait déjà un plaisir d'aller rendre visite à son béguin pour lui donner toutes sortes de papiers inutiles. C'est vers quinze heures seulement qu'Augustín se réveilla. Il venait de faire une nuit de douze heures, et cela lui avait fait un bien fou.
Désormais, il était en week-end, et pouvait se permettre quelques folies. Il avait très envie de voir Melody et Loïcia. Cela faisait maintenant près d'un mois qu'ils se fréquentaient, et il ne se lassait pas. Melody était drôle, agréable, et Loïcia était... inspirante. Incroyablement inspirante. De par sa résistance, sa froideur, elle offrait au bel espagnol un excellent moyen de tester les limites de ses techniques de drague. Il se posait un million de questions à son sujet : était-elle en couple ? Veuve ? Divorcée ? Peut-être que son copain était militaire, et parti en mission ? Ou bien avait-elle vécu une tragédie amoureuse qui l'avait à tout jamais vaccinée contre les idiots volages comme lui ?
Il avait très envie de percer le secret de cette femme, et comptait bien y arriver avant de délaisser ce groupe comme il le faisait avec tous ses "amis". Augustín était de ce genre d'hommes qui ne recherche pas d'attaches, mais des expériences. Les expériences avaient fait de lui la personne qu'il était : un drôle de garçon, passionné par la vie, qui vivait tout profondément. Il aimait tester les limites, les titiller, pour tenter de les briser. Que ce soit une envie de sport, une inspiration soudaine ou un apéritif, il faisait toujours en sorte d'aller trop loin. Il avait déjà couru jusqu'au malaise, écrit jusqu'à en tomber d'épuisement ou bu jusqu'à l'amnésie. Il considérait qu'ainsi, il vivait. Il vivait la vie à son paroxysme, comme il se l'était juré, plus jeune.
Vers seize heures trente, alors qu'il grignotait un plat de pâtes devant un documentaire télévisé, son interphone sonna. Il se leva, et fut content d'entendre la voix de son collègue.
— Heu... Salut, Gus. La principale tenait à ce que je te ramène certains papiers, pour la sortie à Dunkerque avec les élèves.
Il fit entrer son collègue, qui rougit jusqu'aux oreilles face à un Augustín parfaitement à l'aise qui abordait un simple short, laissant apparaître un torse musclé.
— Bonjour, Adrien. Comment tu vas ? Je t'offre un café ?
— Non, pas la peine, je vais rentrer chez moi et...
— Super, t'en meurs d'envie ! Assieds-toi mon chou, je m'occupe bientôt de toi !
Adrien bafouilla quelques mots, pendant que son hôte s'affairait à préparer deux cafés. Ce dernier rejoignit son convive sur le canapé, en s'asseyant très, très près.
— Alors, qu'est-ce qui se raconte, au collège ?
— Heu... Rien de spécial, tu sais, la routine... D'après Martine, les ragots manquent.
— Ah oui ? Qu'est-ce que tu dirais de leur offrir quelques potins une fois encore ? demanda Augustin d'un ton lourd de sous-entendus.
Adrien eut un sourire, et n'empêcha pas l'espagnol de se jeter sur ses lèvres.
*
* *Loïcia pensait de moins en moins à son agression. L'arrivée de Joe commençait doucement à porter ses fruits, et elle appréciait de se sentir protégée de la sorte. Cela faisait bientôt trois semaines, et elle se sentait de mieux en mieux. Joe était très agréable, et elle appréciait l'écouter parler de son enfance en Angleterre, de ses filles, ou de sa passion pour la cuisine. Il préparait à Loïcia des plats excellents, et elle profitait chaque matin de biscuits succulents.
Joe, quant à lui, était content d'avoir trouvé une personne généreuse comme son hôte. Elle n'en avait pas l'air, mais elle redoublait d'attentions pour qu'il se sente à l'aise : elle lui demandait toujours ce qu'il souhaitait cuisiner avant d'aller faire ses courses, elle avait rassemblé toutes ses affaires dans sa salle de bains personnelle pour lui laisser de l'espace et lui avait permis d'inviter ses filles un après-midi.Ainsi, Loïcia avait pu rencontrer les trois filles de son garde du corps. Elles étaient gentilles et polies, mais elles ne croyaient visiblement pas leur père quand il leur disait qu'il vivait chez une simple amie. Claire, l'aînée, lançait des regards méchants à Loïcia, qui se tenait en retrait. Lola se fichait de qui était la propriétaire des lieux, elle tenait juste à parler à son père de ses nouvelles idées révolutionnaires. Marie, pour sa part, était complètement ébahie face à l'appartement.
— Papa, on voit la Tour Eiffel ! avait-elle crié en posant ses mains sales sur les vitres de la cuisine.
Loïcia avait grimacé, mais elle avait évité de faire des remarques. Elle ne prononça pas un mot toute l'après-midi, travaillant comme elle le pouvait sur sa prochaine collection. Elle tenait à ce que Joe profite, et c'est ce qu'il fit. Quand il fut de retour à l'appartement après avoir confié ses filles à sa compagne, il semblait triste. Il ne prononça pas un mot de la soirée, et Loïcia le laissa tranquille. Elle ne savait pas y faire avec les gens tristes. Comment aurait-elle pu essayer de comprendre les autres alors qu'elle peinait à se comprendre elle-même ?
La jeune femme sauta sur l'occasion quand Elizabeth proposa une sortie au restaurant du coin de leur rue. Elle s'échappa rapidement de son appartement, en disant à Joe qu'il pouvait ne pas travailler ce soir-là. Ce dernier ne dit rien, mais elle savait bien qu'il prendrait la peine de la suivre.
C'est en arrivant au restaurant que la soirée de Loïcia prit une tournure tout à fait inédite. À l'instant même où elle arrivait, elle reçut un message de Betty.Oups, petit imprévu de dernière minute. Je ne peux pas venir, désolée... mais ne t'en fais pas, Gus est là ! Bonne soirée !
VOUS LISEZ
Tous les chemins mènent à toi
Romance« Loïcia est une millionnaire trentenaire, renfermée et imperméable aux émotions. Augustín, lui, est un homme fasciné par la nature humaine et le monde de la nuit. Alors, forcément, il ne pouvait pas passer à côté du mystère de cette femme aux yeux...