Chapitre XII pt. 2

31 9 8
                                    

Augustín mit quelques secondes à réaliser. Elle acceptait de sortir avec lui, seule. Cette situation n'était pas normale, mais elle ravissait l'espagnol qui se sentait pris d'une euphorie toute inédite, mais Ô combien satisfaisante. Très rapidement, il se retrouva au pied de l'immeuble de Loïcia, qui l'attendait. Elle abordait une coiffure lâche, un regard teinté de noir, plus perçant que jamais. Il était évident que sa jupe crayon et son chemisier étaient enfilés à la va-vite, mais elle ne perdait rien de sa magnificence coutumière. D'un pas hésitant, elle pénétra dans l'habitacle. Le conducteur eut soudain l'impression que sa voiture était devenue un four.

-- Bonsoir, la voiture de madame est avancée, tenta-t-il avec un sourire.

-- Et où m'emmenez-vous, très cher ?

            Le ton faussement bourgeois emprunté lui seyait comme un gant, ce qui fit doucement rire Augustín.

-- Surprise.

             À fois curieuse et inquiète, Loïcia se laissa conduire. Sa crainte venait du fait qu'elle n'avait aucune idée de ce qui l'avait poussée à rejoindre Augustín. Elle aimait, à se convaincre que les paroles encourageantes de Joe au sujet d'un « besoin d'être jeune » l'avaient encouragée, mais la vérité était qu'elle s'était toujours fichue d'avoir l'air jeune. Déjà lorsqu'elle avait quinze ans, elle prenait plus de plaisir que quiconque à travailler, à être mature, incroyablement sérieuse voire ringarde. Peut-être était-ce, à l'époque, une volonté farouche d'oublier tout le reste. Ce qui n'allait pas, ce qui allait déjà mal, ce qui risquait de se compliquer.

            Son esprit divagua et, doucement, elle en vint à se demander pourquoi le charme solaire de l'espagnol ne l'avait pas convaincue comme c'était le cas pour tant d'autres personnes. Elle n'eut pas besoin d'une longue introspection pour savoir que c'était juste la crainte viscérale, irrationnelle, d'avoir mal d'apprécier l'humain.

— Alors, comme ça, madame m'offre le privilège d'une soirée en tête à tête ?

            La regardant en coin, il souriait doucement.

— Disons que tu représentais ce que j'avais de moins ennuyant à faire.

— Ravi de t'offrir un bon moment.

— Ne pense pas que cette soirée est un rancard, ou quoi que ce soit qui puisse satisfaire ton ego.

— Je ne pense rien du tout, tu sais.

— Arrête, tu le penses si fort que ça s'entend, railla-t-elle.

— Sincèrement, je traverse la ville pour un désir illusoire, mais je sais très bien que je n'obtiendrai jamais de toi ce que j'attends.

— Et qu'est-ce que tu attends ?

— Oh, tant de choses...

            La perplexité fit froncer les sourcils de Loïcia. Elle craignait ce qu'il allait dire.

— Tu sais, tout ce que j'attends de toi... C'est que tu acceptes de jouer avec moi au laser game.

— Pardon ?

            Augustín ne répondit rien, se contentant de désigner le bâtiment qui venait d'apparaître au coin d'une rue. L'édifice était noir, seul un néon aveuglant permettait d'identifier ce qui se trouvait face à eux. Une file de personne s'étendait le long du mur,

—  Tu ne voulais pas aller en boîte de nuit et je voulais un lieu obscur, qui pue la transpiration et avec un fond musical assourdissant... c'est le meilleur compromis que j'ai trouvé.

Tous les chemins mènent à toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant