Chapitre VII

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          Ce soir-là, Loïcia ne s'attendait pas à voir arriver son père chez elle. Ils s'étaient bien évidemment réconciliés après leur léger accrochage, mais cette visite allait à l'encontre du programme qu'ils se fixaient chaque semaine pour se voir. Le plus surprenant, dans cette visite, c'était l'inconnu qui accompagnait son père. Il avait une tenue des plus banales, associant un jean noir droit avec un t-shirt blanc et des baskets abîmées. C'était un homme immense, à la carrure de body builder. Il avait un air sévère et des petits yeux tristes, au coin desquels on apercevait des rides. À ses pieds, il y avait une petite valise. Loïcia les fit entrer poliment, en essayant de ne pas avoir l'air trop étonnée. Garder le contrôle, quoi qu'il arrive, c'était son objectif au quotidien. Elle n'était pas du genre à paniquer pour des futilités. Claude était là, rien ne pouvait lui arriver. Elle embrassa son père, et offrit à l'inconnu un sourire crispé.

— Bonjour ma chérie. Je te présente Joe.

— Enchantée... murmura-t-elle.

          Joe lui adressa un signe de tête poli.

— C'est un SDF, que j'ai décidé de recueillir. Sauf que, voilà, je n'ai qu'une chambre. Le canapé n'est pas des plus confortable, et je ne peux pas y prendre sa place à cause de mes soucis dorsaux. Donc, je me demandais... accepterais-tu de le loger quelques temps ?

          Loïcia regarda son père comme s'il était fou. Elle le prit à part, laissant Joe patienter dans l'entrée.

— Qu'est-ce qui te prend ? Tu sais très bien que j'en suis simplement incapable ! Pourquoi lui fais-tu espérer ce genre de folie ? murmura-t-elle rageusement.

— Je sais. Mais ne t'en fais pas. Il ne te fera aucun mal.

— Où est-ce que tu es allé le chercher ?

— Arrête de poser des questions stupides, je t'en prie. Je te demande juste de l'héberger quelques jours, soupira Claude.

— Papa... est-ce que tu te rends compte de ce que tu fais ?

          Elle ne comprenait pas ce qui avait pris à son père de faire cela. Sans être un homme insensible, il n'était pas du genre à accueillir des SDF dans son appartement, encore moins pour finir par le ramener chez elle, alors qu'il savait pertinemment que sa fille tenait tant à sa solitude. Quelque chose chez Claude et son histoire clochait.

— Je vais très bien, merci, répliqua-t-il face au regard inquiet de Loïcia.

          Pour la première fois, elle avait peur de ce que son père faisait. Pour la première fois, elle ne lui faisait pas confiance. Claude argumenta pendant près de cinq minutes, s'enfonçant de plus en plus dans des explications sans queue ni tête.

— Il n'a pas l'allure d'un SDF, répliqua-t-elle.

— Tu aurais préféré qu'il soit vieux, ridé, et qu'il n'ait plus de dents ?

— Ce n'est pas ce que j'ai dit... je... Oh ! Et puis... D'accord. Je vais l'héberger, mais si la semaine prochaine il n'est pas parti, je lui offre un de tes appartements.

— Comme tu veux. Je dois y aller, à bientôt ma fille.

          Elle regarda son père s'éloigner, puis fixa Joe. Elle lui adressa un long regard glaçant, bras croisés sur sa poitrine. Elle attendait quelque chose, Joe le sentait bien.

— Depuis quand êtes-vous à la rue ? Vous me paraissez très en forme...

— C'est récent. J'ai été expulsé parce que je ne payais plus mon loyer.

          L'invité affichait un air trop neutre, et fixait le vide. Il semblait concentré.

— Un triste classique, à Paris. Vous viviez où ?

Tous les chemins mènent à toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant