interstice

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Et bien puisque,

puisque tu n'es plus là,

la chaise meuble le salon mais pas le vide.

Je m'avance fumer sur le seuil et le jardin excité sous la lune ruisselle de cris d'insectes. La fumée ensevelie y pénètre, c'est une immense mare aux étoiles, marine et spectrale, je croupis devant ma porte réduite et mes pieds nus dévalent le sol toujours trop froid.

L'herbe et ses caresses abusives berce mon pas. Je marche jusqu'au potager abandonné, à la grille qui donne sur le pré. J'entends frémir les lucioles vagabondes, je les entends tomber, me drogue de leur chute précipitée, de leur souffle lorsqu'elles expirent enfin.

Bienvenu dans la stratosphère hallucinée d'un mois d'août sans soleil, où la nuit a régné vingt-trois jours durant, reléguant les lumières atomiques au stade de vagues larves amères,

Rien ne persiste, le clair est désisté.

Les papillons agglutinés sur un lampadaire usé pressent leurs ailes comme pour mieux les brûler, pénétrer avec fracas ce monde obscur et banal.

Je traîne ma carcasse puis je vacille, corps lâché au sol sent soudain la terre molle et humide coller sa peau.

Mangée par les ombres, mes pupilles fouillent sans attentes les recoins du ciel éteint.

Le paradis n'a peut-être jamais paru aussi loin, les bruits de la ville ont crépité à l'horizon comme les braises d'un feu qui inéluctablement s'efface.

La solitude arrachée flotte sans savoir où verser ses restes.

Mes paupières ont cligné le temps de voir l'été passer, j'espace mes cris comme pour m'entraîner au silence.

Mon séjour en tous points du monde est demeuré provisoire, cette fois pourtant les virages se sont amenuisés. J'ai longtemps épié la vie souterraine, cherché à comprendre son invraisemblable mesure, à combler ses hasards.

J'ai copié l'étrange, je me suis isolée à pic, laissé mes volets ouverts et clos mes lèvres.

Les respirations ventrales ont été terribles, en murmurant des sanglots cyniques au temps j'ai ingurgité deux hémorragies. Personne pour me soigner que moi-même : mes mains amples s'appliqueront à mémoriser leur substance, à trier et polir chaque ferveur.

Des nuages ont fleuri dans la nuit claire, ils chantent des mots anciens que je ne veux plus entendre, la forêt lucide suit leur appel et remue ses plaies.

Natura m'accuse de frayeurs errantes, j'assume mon visage et le baigne dans le goût sale du vent.

Sur ma tête grave on a planté un trait, comme pour me brouiller, alors je me suis barrée.

J'ai rejeté aux loin les éclipses, promesses lourdes et chaudes qu'ont proférées des voix humaines.

Je préfère le mutisme nocturne et glacial, le plongeon des astres désolés.

Je n'hésite pas à te choisir, Côme.

Et ces lignes relues m'obstruent la vue :

Quand on est mort... Ecoutez-moi,

Quand on est mort c'est pour longtemps,

Zola

Apocalyptic LouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant