Toujours

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Porte close, tu te dérobes.

Je cours sur le boulevard, mes semelles suintent leur vitesse et je sens mes poumons se mettre à grésiller, puis à hurler tout à fait, leur asphyxie horizontale.

Mes joues se sont enfumées, rouges sous l'excès et transparentes de chaleur.

Un passant m'évite et l'autre ne me perçoit plus, je cours sans envisager la fin, l'écume perlant au front.

Mon haleine de granit rose se transforme en souffle monstrueux, j'avale goulûment le carbone de toute une ville sauvage, les parapluies trempés en ligne dans le corridor, et le trottoir glissant, la pluie diminuée, je cours et je sens mon cœur cogner, virulent, il s'agite et se braque, convulse sans dignité. Je cours et mes lèvres s'affaissent, je ramasse des bouts d'air puis je les perds, la ligne oscille et ma vue trouble aussi.

Je cours, le monde flou est en bascule, je cours et je ne cours plus.

Je m'élance encore, triple saut dans le caniveau, j'ai répété le geste puisqu'il me semblait faussé, les salives ambivalentes me donnent l'air d'une dingue, mais non, je cherche mon crayon de bois, je cherche la forêt que je ne trouve pas.

Puis je l'ai dit, la porte verrouillée.

C'est alors que j'arrête de courir, je laisse mon épuisement s'adosser au vernis poli. Mes cils calmer leur battement erratique.

Les enfants aux cartables dyslexiques sortent des écoles, bruits de mioches et de brioches, mon crâne est un organe fade, et cette porte désincarnée me tord les os.

Porte vulgaire dont je ne connais plus les mimiques, les chiffres du code sont échappés de ma mémoire, galère impudique, je m'assois sur le rebord et je regarde vers le ciel.

Il a la couleur d'une chute imaginaire, le marbre est froid, le soir s'abat.

De qui est-ce la porte ? D'un silencieux, d'un auditeur du fond des salles. Celui qui écoute, bouche éteinte, percluse de soie, un psychanalyste d'Opéra, le jour du jeudi le septième du mois.

Mais je ne peux pas encore,

l'atteindre.

Porte fermée ne cédera pas, aux espaces hors de propos près desquels on se glisse, aux rideaux étroits que l'on n'ose soulever, la fée renifle la marée, j'ai peur de la mer comme d'une immense fermeture éclair.

Mes mains s'appuient, se collent et ne pénètrent pas. Infranchissable porte du soleil, je remarque déjà la trace pressée de dizaines d'autres doigts légers. Mon oreille presse ton matériau, je pourrais presqu'entendre ton dissimulé, ses membranes remuent dans l'obscurité, tu me voiles à peine ce que tu me soustraits. Mais tout de même tu le fais.

Et mes échos coincés ne trouveront nulle réponse.

Porte ostensible, héros caché, les râles sensibles de la nuit montent.

Apocalyptic LouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant