Jour 356

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La musique des coléoptères opère tout en douceur, août a troué le risible. 

Il me dit que sa saison préférée est l'automne, il ne déguise même pas sa crainte maigre et pose ses caresses sur les faces de mon visage, frémissant. Il ferme les yeux avec application, je le regarde faire en silence. Nous ne dînons pas, rotules sur le bitume c'est à dire agenouillés sur une route qui ne mène nulle part, nous sommes assis et nous ne faisons pas peur. 

La nuit tombe autour de nous et sur nous, ses yeux se mettent à briller comme deux soleils noirs, je veux périr dans la forêt, courir dans les fumées sombres jusqu'à voir mes vêtements se détacher et fondre sur le sol. Il ignore cela, je lui répète qu'il ne me devine pas, il cesse de s'en faire, allume ses sourires comme des alarmes et les aligne, un par un, jusqu'au fleurissement intégral de ses lèvres. 

Bernard, c'est un vieux prénom et lui, c'est un garçon aux âges bizarres. Je n'ai même pas à essayer de l'aimer, cela vient spontanément, mes veines semblent l'avoir exigé. Nous avons mélangé nos solitudes, j'ai guetté ses traces quand mes fantômes étaient arc-boutés au-dessus de mon épaule. Je l'ai photographié avec ma prunelle et ensuite confondu au monde. 

La soirée suffoque, les oiseaux sensibles surpassent mon front comme des bêtes splendides. Petit jeu avec le miroir de la salle de bain : en observant mon œil empêtré de bonheur, je l'ai vu rougir et déborder. Sa joie était aussi profonde que triste, après la dernière étreinte je me suis sentie tout à fait mélancolique. Les subtilités du bonheur m'ont décorée et j'ai reçu leur hommage en tremblant. 

Mon Paris impopulaire s'adresse aux passants, j'explose sa réserve et le serre enfin. Près du fauteuil un moustique brûle, sa décoration sous la langue, des flocons en plastique au fond de la corbeille à linge, j'ai saisi la guitare précautionneusement, pour ne pas la blesser. 

Qui sont ces tortionnaires funèbres débarqués dans les bars ? La fille couleur piscine traverse au niveau du passage piéton et ses talons résonnent longtemps dans le tympan alerte des automobilistes. Deux gamins se partagent un caramel. J'écoute le bruit du sable dans le ventilateur, les nuages versent leur laid sur de beaux immeubles, il est tôt et les perdus façonnent le trottoir en déviant son sillon. Je n'attends personne, j'ai plutôt envie de marcher. 

La lune vrille en journée, j'accomplis mes déviations puis je m'allonge. 

Le tapis me rappelle. Cette certitude d'avoir appris à voler mais impossible de se souvenir quand exactement. J'ai contemplé des énergumènes qui n'étaient que des souvenirs. La radio a crié, ses chansons intentionnelles se sont déversées dans ma chambre avec l'évidence des choses qu'on ne précède pas. 

Mes hypnoses rongées s'effacent. Je viens de moi-même et j'y retourne ce soir mais le voyage pourrait durer trois siècles. 


Apocalyptic LouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant