Faire la gueule

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Je me laisse tomber et la pesanteur dégénère. Ciel troué par une balle de lumière jaune, les chiens vomissent de froid et les pigeons accourent pour se disputer la bile chaude. Le métro soulève les kilomètres de manteaux laineux, l'ombre fuyante au fond des yeux des gens grandit en rugissant.

Je n'aime pas ce quartier, pas cette fête ni ce pavé, trop illustre et nuancé. Le pavot noir à graines bleues s'immobilise dans ma paume, puis je l'écrase, je pose ma main sur la rambarde de l'escalier et je dévale à toute vitesse, je précipite le choc de mes chevilles en survolant la crasse, puis mes yeux s'emmêlent, je ne sais plus trop bien quel couloir me recueille, j'ai le deuil au coin des dents, l'amertume taiseuse et l'allure d'une gueuse.

Mon épousé m'attend au bas des marches, ce n'est qu'un rêve, un rêve d'enfant, une silhouette putride, sans langue et sans visage. Il m'embrasse. Sa peau chaude et humide me glace lentement, je le laisse couvrir mes doigts en sentant l'épaisseur de son malaise.

Il m'isole, je le repousse, il avance encore mais me passe au travers. J'en ai le souffle arraché, des scintillements absurdes clignotent dans tous les sens, une aiguille me pique le cœur, puis je me retourne et le vois s'éloigner de façon trouble, un fantôme un de plus, je ne les distingue plus des autres, ceux qui sentent la chair et la sueur.

Pendant l'hiver je suis autorisée à n'être que la moitié de moi-même, alors je me suspends aux lustres de mauvais goût et je bois du thé sans façons distinguées.

Parfois je me réveille en croyant que le jour a vaincu, mais le noir crisse mes œillades et le réveil contredit ma temporalité. Il me laisse pantoise, les mains vides de sommeil, la tête creuse, perplexe et perpendiculaire. Mon corps me ment.

L'espace trompé du wagon urbain ne se lasse pas de me promener : j'ai vu L. sortir du sexodrome de Pigalle et ses jambes tremblaient. : j'ai cherché des mots en vain, au cimetière des alcoolisés les chats sont rois.

La vie reprend sans cesse son court : je m'entiche du dehors et les conférences m'angoissent.

Je finirai ma vie au cinéma, au dernier rang trouvez-moije ne vous attends pas.

Apocalyptic LouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant