Chapitre 4.

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Le vent souffle avec puissance sur la falaise qui surplombe la plage. Je ne suis pas loin du manoir mais pourtant pas suffisamment proche pour que l'on vienne me déranger. Un étrange pressentiment comprime mon cœur tandis que mes doigts se resserrent sur le petit objet que je tiens dans mes mains qui, je le remarque à présent tremblent. Le téléphone de Caïan.

Je l'ai retrouvé dans les poches de ma veste. J'avais oublié qu'avant de combattre les discordants je l'avais encore. Orphée me l'avait glissé pour pouvoir rester en contacte. Il reposait au fond du repli de tissu, attendant d'être utilisé, seul objet qu'il me reste de mon défunt ex-mari.

Mes doigts glissent sur les touches tandis que je cherche parmi la liste de contact un nom. Ce n'est pas bien compliqué. Caïan ne parlait à personne outre Orphée et le dernier de mes anciens protecteurs, morts il y a une décennie. Un jeune pirate séduit vers la fin du seizième siècle par simple amusement. Il chantait bien. Ce fut le seul survivant du naufrage que je causa. Mais au bout d'un siècle nous nous sommes quittés en bon terme avec la promesse de nous retrouver en cas de problème. C'était un gamin. Un gamin qui a vécu presque cinq siècles avant de mourir. De manière paisible, je l'espère. Je ne donne pas l'immortalité.

Presque machinalement, je compose le numéro qui s'affiche sur l'écran et porte le téléphone à mon oreille. La sonnerie retentit. Une fois. Deux fois. Trois fois. Puis j'arrête de compter. Alors que les bip sonores retentissent dans le silence, mes ongles poussent pour s'enfoncer dans ma paume jusqu'à qu'une goutte de sang perle et roule sur le creux de ma main puis mon poignet tandis que je ronge mon frein sans parvenir à maîtriser mes tremblements. Réponds imbécile, réponds !

La sonnerie s'interrompt soudain. Mon cœur cesse de battre un instant jusqu'à que la voix métallique du répondeur se fasse entendre. Tout devient flou autour de moi.

Je hais Orphée. Tant que je pourrais tuer ce traître de héro si je l'avais sous mes yeux à cet instant. Je pourrais lui faire sentir la force du désarrois qui s'est emparé de moi avant de se muer en une colère vibrante, transcendante. Aucun sentiment de faiblesse ne peut rester longtemps chez moi sans se métamorphoser en haine. C'est à double tranchant... Mais ça aide tant à ne pas sombrer. Un brasier incandescent s'allume en moi et d'une pulsion, je balance le téléphone dans le vide.

Je ne sais s'il a atteint l'eau ou non et je m'en fiche. Passant mes pieds par dessus la rembarde, je saute et atterris agilement sur la plage. Un jeu d'enfant.

Je me laisse tomber sur le sable et lève mon regard sur le ciel. Allongée, il me semble bien loin. Les grains brûlants contre ma peau, chauffés par le soleil méditerranéen, contrastent avec la fraîcheur de la brise apportée par le courant aquatique. L'air marin, entièrement saturé de sel, chatouille mes narines et embrume mon esprit. Les roulement des vagues me berce et je ferme les yeux un instant. Des étoiles semblent danser malgré l'obscurité somme toute réconfortante de mes paupières. Des fourmillements naissent aux bouts de mes doigts et je me crispe.

Ma tête bascule sur le côte et lorsque je soulève mes paupières, je croise un regard océanique transcendant. Autour de nous, une immense plage de sable blanc s'étire à perte de vue, sur des kilomètres, bien différente de celle d'Athènes, tandis qu'une étendue bleu calme et immobile s'avance jusqu'à mes pieds. Un sourire vient étirer mes lèvres et je ricane.

« Ne me dis pas que ça a recommencé...

Ce n'est pas la première fois que je le vois ces derniers jours et si j'en suis presque heureuse, l'arrière goût amer qu'il me reste suffit à me dissuader de renouveler l'expérience. Pourtant, voilà qui est fait. Poséidon laisse échapper un rire et soupire :

- C'est toi qui viens me voir, Lorelei. Je n'y suis pour rien.

- Tu vas me dire que je suis assez pathétique pour créer moi même une illusion de toi ?

Mélusine 3 - Chant dangereuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant