Chapitre 13.

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Je fais volte face et quitte la salle à grandes enjambées. Hors de question que quiconque puisse me voir dans cet état. Je me précipite dans le grand jardin, en courant presque avant de m'appuyer contre un arbre que je percute plus qu'autre chose mais qui stoppe ma course folle. Mes doigts se serrent contre l'écorce rugueuse jusqu'à la faire craquer tandis que mon souffle ahané résonne dans la nuit. Et soudainement, je me penche en avant et rejette enfin la bile qui brûlait ma gorge. Des étincelles jaillissent sous mes paupières et un mal de crâne puissant s'empare de moi.

Lorsqu'enfin ma nausée s'est calmée, je me redresse et, chancelante, me dirige vers la falaise, vers les ruines de l'ancienne cabane de pêcheur. Je me laisse tomber contre un muret et le contact de ma peau brûlante et fiévreuse sur le pierre fraîche est à la fois douloureux et apaisant. Ce n'est pas tant la mort de la jeune sirène que ce qu'elle annonce qui me met dans cet état. Les choses se précipitent trop. Et je déteste les responsabilités. Or, que je le veuille ou non, je suis responsable du banc. Jusqu'à son retour. Ou bien nous mourrons. Ma tête me lance. C'est un autre type de douleur dont je me passerais aussi. La caresse de la brise sur ma peau apaise cependant mes maux et je peux souffler.

D'ici la vue sur la mer est inimitable tant elle est magnifique. Les feux de l'aurore qui arrive se reflètent sur l'eau encore sombre de la nuit. Une étrange pensé me traverse alors l'esprit. Je pourrai passer ma vie ici. Avec la mer pour seule compagne. Ce serait... Tout simplement paradisiaque. Rester assise à contempler la méditerranée pour le restant de mon immortalité, l'air marin et le sel se perdant dans mes cheveux, loin de tout problème, de tous dieux... Ça serait sûrement bien en contradiction avec ma nature et mon caractère mais je pourrais le faire.

Je ferme les yeux, savourant le calme et repoussant le plus possible le moment où je devrais à nouveau lever les paupières sur ce monde maudit. J'ai eu suffisamment de mésaventure pour disons... Un siècle ou deux.

Mais ce siècle ou deux ne viendront jamais si je n'agis pas aujourd'hui. Car je serai morte. Et la mer ne sera plus jamais la même sans son dieu, sans les sirènes. Car si une chose est certaine, nous sommes une partie d'elle. Et la mer nous aime. C'est si étrange... Et pourtant ça va de soit. L'Océan n'aurait aucune saveur sans nous et le monde perdrait de sa beauté sans lui. Qu'importe si nous sommes des meurtrières. Une seule chose est certaine. Je dois ramener Poséidon pour que le chant dangereux des sirènes puisse raisonner à nouveau au dessus des mers.

Un instant mes doigts effleurent ma ceinture, survolant ma dague en argent qui m'évoque ma dernière discussion avec le dieu jusqu'à caresser la courbe d'une petit clochette. Celle offerte par Chronos. Il me suffirait de la secouer pour que l'entité du Temps rapplique. Pourtant... Pourtant je sais que ça serait inutile. Je ne pourrais pas changer tout cela...

Bien décidée à retrouver cet importun de Bellérophon pour lui demander sa si précieuse aide qu'il nous a vendu, je me relève. Il doit forcément connaître une solution autre que son fichu grimoire pour m'aider à retrouver Poséidon. Outre le fait qu'il ait promis à Orphée de partager son précieux savoir avec moi, je compte sur lui pour ne pas me décevoir. Il est temps pour le héro de révéler son potentiel - ou mon manque de patience pourrait causer sa perte.

Le jour est désormais complètement levé. Je comprends alors que je suis restée là à réfléchir et contempler la mer durant presque une heure. Il est temps de récupérer mon rôle. Je me dirige vers le manoir. Toutefois, avant d'y pénétrer, je prends une grande inspiration. Puis j'entre. Je remarque aussitôt que les sirènes se sont dispersées. Celles ayant été blessées doivent sûrement chercher à reprendre leur force. Je croise un groupe qui se contente de m'adresser un signe de la tête. Pourtant, j'ai le temps de discerner dans leurs prunelles océanes toutes leurs attentes. Je me mords l'intérieur de la joue et continue ma route. En entrant dans la grande salle, je trouve Ligie assise par terre. Dos à moi, elle semble fixer le trône. Ses longs cheveux blonds cascadent dans son dos en une rivière d'or. Une rivière parsemée de gouttes écarlates. Et à voir le sang sur ses vêtements à certains endroits, quelques unes de ses plaies ont du être douloureuses à leur réouverture. Je me poste à ses côtés et du bout des doigts effleure une de ses mèches. D'un ton égal à elle même, elle explique :

Mélusine 3 - Chant dangereuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant