Mélusine 3 - Chant dangereux

Chapitre 7.

Lorsque Seth pousse la porte principale de la salle du trône il se fige sur son seuil et son regard terre passe de moi aux mystérieux individus. Nous nous toisons en silence. Le héro joue avec mon poignard, un étrange sourire sur les lèvres. J'avise un instant ses cheveux brun mi-long avant d'esquisser un moue. L'homme interroge :

« Mélusine de Longborn ?

Je plisse des yeux et sans répondre j'échange un coup d'œil avec mon protecteur. Ses lèvres pincées suffisent à indiquer sa méfiance.

- Ça dépend. Qui êtes vous ?

Son sourire s'agrandit et il esquisse une fausse révérence sans détacher son regard de moi. Quelque chose dans ses traits ne me semble soudain pas méconnue. Je comprends pourquoi lorsqu'il se présente :

- Bellérophon, belle sirène.

Mon souffle se coupe un fugace instant avant qu'une grimace ne vienne tordre mes traits. Quelle ironie du sort ! Si l'on m'avait dit un jour que Bellérophon viendrait à moi... En général les héros ont tendance à nous éviter – sauf s'ils désirent nous tuer. Mais ce n'est pas ça qui provoque chez moi cette vive monté de ressentiments. Je plisse des yeux pour détailler l'homme avant de secouer la tête. Si les humains le connaissent comme le fils de Glaucos et le petit fils de Sisyphe, nous, créatures surnaturelles, savons bien qui se cache réellement derrière la naissance de celui qui tua la première des chimères... Les héros ne naissent jamais du néant. Rares sont ceux issus de simples humains. Je recule d'un pas et toise Bellérophon – car nul doute concernant son origine. Son père n'est pas ce pauvre roi humain, mais le non moins célèbre, l'incroyable, l'orgueilleux, le maudit, le foutu, le satané dieu et maître des mers et océans en personne. Poséidon.

Bellérophon n'est autre que le fils de mon ancien amant. Un fantôme de son passé. Oh, belle et glorieuse époque où ses enfants étaient trop nombreux pour les compter sur les doigts de la main. Et parmi cette joyeuse ribambelle, se trouvent de nombreux héros engendrés par Poséidon. Cette constatation me laisse comme un goût amer dans la bouche et je grogne :

- Que venez-vous faire là ?

- Et si nous commencions par abandonner le vouvoiement ? Je pense que vous avez bien compris le lien entre nous.

Seth s'avance enfin et d'un ton détaché, il remarque :

- Ça ne répond pas à la question.

- Un humain dans un repère de sirènes ? Surprenant.

Mon protecteur lève les yeux au ciel. Il fixe l'homme devant lui sans ciller ce qui semble amuser plus qu'autre chose le héro. Pourquoi ai-je l'impression que chaque homme de cette espèce doit forcément être condescendant et à la limite de l'insolence ? À croire que les siècles effacent le sentiment de justice qui les habitait autrefois. Puisque mon agacement ne semble pas rendre de résultat, je change aussitôt de tactique et d'une voix plus mielleuse, je m'enquiers :

- Bon, ce n'est pas tout, mais tu voudrais bien nous indiquer la raison de ta venue ?

Ma demande semble un peu plus retenir son attention puisque ses yeux d'ambre se repose sur moi, une étrange étincelle dans le regard. Il se décide enfin à répondre, ce qui provoque une vive réaction chez Seth :

- Ce n'est pas évident ? Je suis là pour aider à libérer mon père.

- Ton père ?

- Quoi ? Tu n'es pas au courant ? Je suis l'un des joyeux rejetons de l'amant de ta très chère amie.

- Le fils de Poséidon !

- En personne.

Je jurerai que la mâchoire du policier est sur le point de se décrocher. Pourtant mon cerveau se met à fonctionner à toute vitesse. Bien que la salle est étrangement vide, les murs ont des oreilles et si tout semble étrangement calme, je n'oublie pas la menace qui gronde dans l'ombre. Je pousse un profond soupire et concède :