Mélusine 3 - Chant dangereux

Chapitre 18.

L'air de la nuit pénètre par ma fenêtre ouverte. Les paupières mi-closes, je profite de la caresse du vent. Cette journée a été catastrophique. Productive mais catastrophique. Quoi d'autre sinon quand l'une de mes sœurs est morte alors que je m'étais juré qu'aucune autre ne mourrait ? Poussant un soupire je m'éloigne de la fenêtre et resserre mes bras contre moi. Je n'ai pas froid, même en étant en t-shirt. Simplement, je n'ai qu'une hâte, que tout se termine. Je n'en peux plus de tout ça. Mon regard se pose sur Seth, endormi dans le lit. Ainsi, il semble apaisé et ne connaître aucun soucis. Mais je ne le rejoins pas.

Passant une main dans mes cheveux, je me rappelle soudain de l'impression que m'avait laissée Bellérophon dans la grande salle. Je me décide à aller le voir.

Je trouve le héro dans sa chambre, des bouteilles de différents type de boisson alcoolisée étendues à ses pieds. Je m'appuie au cadre de la porte, les bras croisés sur la poitrine et l'observe. Ainsi il ressemble à Caïan. En plus beau et sans cicatrice. D'ailleurs il lui ressemble tant que j'ai un pincement au cœur et un goût amer au fond de la gorge.

Son regard d'ambre se pose sur moi mais il ne bronche pas, gardant également le silence avant d'avaler une gorgée de ce que je devine être de la vodka. Sans dire un mot. Sans réagir. Je finis par soupirer et lâcher, d'une voix plus éraillée que ce que je m'étais imaginée :

« Je suis désolée pour Aglaopé.

Il grimace avant de hausser des épaules. Pourtant lorsqu'il s'exprime sa voix est rauque. Je ne sais s'il est triste mais le décès de son ancienne amante l'affecte.

- C'était ta sœur.

- Et tu l'aimais bien. Vous étiez... En quelque sorte... Ami.

- Je lui ai dit de crever.

- Bah... Si tu savais le nombre de fois où je l'ai dit à Poséidon...

Il baragouine un truc avant de me tendre sa bouteille et d'en prendre une autre. Je la saisis et m'assois face à lui. En silence nous buvons. L'alcool me brûle la gorge mais me détend étonnamment. Je dodeline de la tête. Cela fait longtemps que je ne me suis pas reposée. Dernièrement ça a été un peu la course contre la montre et je manque sérieusement de sommeil.
Surprenant son regard inquisiteur sur moi, je grogne :

- Quoi ?

- Je m'attendais à ce que tu aies l'air plus jeune.

Je fronce des sourcils et demande :

- Que veux tu dire par là ?

- Je pensais trouver une sirène dont l'apparence avoisinait celle d'une femme de vingt ans. Partout l'on vente ta beauté comme une beauté... Éblouissante. Étonnement je t'imaginais avoir un physique plus jeune. Et voilà que j'arrive pour découvrir une femme plus mûre qui semble avoir presque trente ans. La différence peut ne pas te paraître énorme mais elle me surprend.

- Contrairement aux plus jeunes sirènes venant de plus récentes générations, mon physique a encore mûrit même après ma métamorphose. C'est une caractéristique de la première génération.

La preuve : Abysse et Aglaopé paraissaient plus âgées que moi, et semblaient avoir dépasser les trente ans.

- Je comprends ce que mon père te trouve...

Je frémis, comme toujours lorsqu'on évoque la si grande famille de Poséidon mais ne me démonte pas et m'approche encore un peu plus, mon regard plongé dans le sien :

- Évidemment que tu comprends. Tu es un homme. Et je vous attire tous.

Il rit, amusé par ma remarque. Pourtant, je reste impassible à l'observer. Ce qui semble troubler le héro qui finit cul sec sa bouteille. Une ombre passe dans son regard.