3 · Talia, la sauveuse

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Début juillet. C'est les vacances et Théa part dans un camping, au bord de la plage. Ça lui fera le plus grand bien de se baigner avant de passer en Première. Comme d'habitude, ses parents sont dans tous leurs états. Il faut trouver un camping où il y a un auxiliaire prêt à aider Théa à se baigner. Toutes les informations importantes doivent être écrites également en braille. Il faut qu'il n'y ait pas trop de voitures sur la route, sinon Théa risque de se faire écraser.

« Maman y a pas besoin d'être aveugle pour se faire écraser tu sais ? lance Talia, la sœur de Théa.

Théa et Talia sont des copies conformes. Bien sûr, Talia est un peu plus grande, puisque c'est l'aînée.

Et elles n'ont pas les même yeux.

Talia est la personne qui comprend le mieux Théa. Depuis sa naissance, Talia a toujours été là pour sa sœur. C'est elle qui la défendait quand des cons l'emmerdaient. Elle qui essuyait ses larmes quand la vie d'aveugle était trop lourde à porter. Elle qui lui disait à quel point elle était belle. Elle qui avait du répondait du tac-au-tac quand des adultes faisaient des remarques indésirables.

Théa aimerait être comme sa sœur. Être grande et forte, autonome, rebelle, honnête. Elle aimerait pouvoir sortir avec ses amis. Embrasser des garçons. Voir.

Mais Théa n'est pas comme sa sœur. Elle est petite et fragile, dépendante, se laisse marcher sur les pieds, ne dit jamais ce qu'elle pense. Elle n'a pas d'amis. Elle n'a jamais embrassé personne. Et elle ne peut pas voir.

Alors quand Talia dit qu'il n'est pas nécessaire d'être aveugle pour se faire écraser sur la route, elle ne peut qu'être reconnaissante envers elle.

- Oui je le sais, Talia, mais ta sœur ne pourra pas éviter les voitures qui lui foncent dessus quand toi tu pourras les voir et courrir.

Florence, la mère de Talia et de Théa. Mme Robin dans le monde de la banque. Une mère étouffante, blessante, et stressante.

- On t'a déjà dit de ne pas nous comparer maman. C'est blessant, riposte Talia.

- C'est blessant mais c'est la vérité ! Je ne veux pas perdre ma fille !

- T'es déjà en train de la perdre !

Cette réplique fit à Florence l'effet d'une gifle . Elle est à cours d'arguments. Talia en profite pour continuer :

- À chaque fois c'est comme ça : on prépare des vacances, vous stressez, vous nous comparez et on peut jamais s'amuser ! Laissez vivre votre fille pour une fois ! Vous pensez pas être trop collants comme ça ? Vous voulez que Théa aie une vie '' normale '' (Talia accentua ce mot avec des guillemets que Théa ne voyait pas mais qu'elle pouvait très bien deviner) mais vous vous comportez comme si elle ne l'était pas ! Elle a rien dit depuis le début ! Elle n'a pas donné son avis, vous ne lui avez rien demandé ! Pourquoi est-ce je suis la seule à vouloir qu'elle participe un peu aux décisions de la famille ? C'est votre fille et vous l'excluez !

Elle s'arrêta pour prendre son souffle, Théa l'entendit. Il faut dire que cette tirade était longue.

- Viens, Théa, dit-elle en l'entraînant par la main, il faut qu'on finisse nos valises.

Et on parlera des nuagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant