Théa avait pleuré toute la nuit. Elle était en train de se rendre compte qu'il ne lui restait que quatre jours. Et après c'était la fin. Il ne lui restait que quatre jours avant que leurs vies à tous les deux ne reprennent, qu'Adam reparte dans son lycée où il était aimé par tous, tandis qu'elle croupirait seule chez elle, il poursuivrait ses rêves et deviendrait ce qu'il voudrait, tandis qu'elle se laisserait porter par la vie, il rirait avec ses amis, elle pleurerait l'amour, il serait libre, elle serait triste, il serait lui, elle serait elle.
Et ils ne se reverraient jamais.
Théa détestait les fins.
Elle n'arriva pas à dormir de la nuit, elle changea de positions à intervalles très réguliers, elle eût l'impression que des moustiques l'assaillaient, elle eût chaud, froid, mal au ventre, et s'énerva contre tout. Alors elle eût l'idée de sortir en plein milieu de la nuit pour trouver le calme dehors.
Elle trouva sans mal la baie vitrée, la fit coulisser sans un bruit, et déjà, le silence de la nature calma la haine qu'elle avait gardé au fond d'elle. Elle ne referma la baie-vitrée qu'aux trois quarts, traversa la petite terrasse de bois de son mobile-home et ne put s'empêcher de courir en descendant les trois petites marches qui menaient à la pelouse. Pied nus, elle sentait déjà tout son corps se refroidir grâce à la fraîcheur de la nuit et entreprit de marcher un peu.
Elle suivit le chemin marqué au sol qu'Adam lui avait montré le jour de leur rencontre. Elle aimait la nuit, parce que sans lumière, tout le monde avait ses yeux. Elle avança sans hésitation, bercée par les insectes qui chantaient, et imagina les étoiles la regarder. Elle aurait aimé qu'Adam soit avec elle, elle aurait aimé le rejoindre pour une deuxième escapade nocturne, mais elle n'avait pas mémorisé le chemin pour y aller. Elle se laissa guider par ses pas. Peut-être irait-elle à la plage, peut-être à la colline.
Elle sourit à l'idée de savoir que sa mère désapprouverait cette idée, laisser sa fille aveugle seule la nuit, sans téléphone, et personne pour l'accompagner, elle en aurait des frissons.
Théa aimait cette idée, elle se sentait comme sa sœur, rebelle, qui prend sa vie en main.
Elle s'arrêta et chercha à tâtons des éléments qui permettraient de l'aider à se repérer. Elle savait que vers la colline, les troncs des arbres étaient plus durs, et que plus elle s'approchait de la plage, moins il y avait d'herbe.
Ne trouvant pas de suite où elle était, elle décida de continuer à avancer, en se disant qu'elle trouverait bien un repère quelque part. Elle perdit la notion du temps, et commençait à vouloir retourner au Mobile-Home. Sa promenade nocturne devait prendre fin, et vite.
Elle entreprit intelligemment de faire demi tour, elle se rapprocherait déjà du camping, et c'était mieux que de s'en éloigner et se perdre.
Mais malgré tout, elle se perdit.
Pire, elle ne retrouvait plus le chemin balisé. Elle avait dû s'en écarter sans s'en rendre compte.
Elle s'assit par terre, elle était partie vers trois heures du matin. Mais combien de temps avait-elle erré ? Quelle heure était-il ?
Une larme glissa le long de sa joue, et, bien qu'elle ne voulait pas pleurer, elle ne fit rien pour s'arrêter. Un moment, quand c'est trop c'est trop, et pleurer nettoie tout chagrin trop longtemps contenu.
Elle s'étendit à même le sol, elle n'avait plus l'énergie de se lever et de retrouver son chemin, elle n'avait plus l'énergie d'essayer. Pour le moment elle était triste, et ça lui allait. Puis elle s'endormit.
Tout d'un coup une main secoua son épaule.
- Théa réveille-toi ! Youhou ? Théa ?
Ouf, c'était Talia. Théa avait honte qu'elle l'ai trouvée là, sur le sol, au milieu de nulle part.
- Théa il faut vite que tu rentres à la maison, sinon les parents vont se rendre compte de ton absence.
Théa devait tout dire à sa grande soeur, même si elle connaissait peut-être déjà l'histoire. Elle devait lui dire. Maintenant.
- Talia hier soir je suis sortie en cachette, je voulais voir Adam, commença-t-elle piteusement. Mais seule j'ai pas réussi à trouver mon chemin, je me suis perdue.
Cette fois-ci, elle pleurait.
- J'avais pas pris mon téléphone, poursuivit-elle, j'ai pas réussi à rentrer, dit-elle en plein chagrin.
Talia prit la petite qui pleurait qu'elle voyait devant elle dans les bras, comme elle l'avait fait tant de fois, la berça, lui caressa les cheveux, tout en lui chuchotant :
- C'est pas grave Théa, c'est pas grave, rentrons et tout s'arrangera, ok ?
- Maman va me punir, murmura Théa.
Talia déposa un doux baiser sur le front de sa petite sœur.
- Mais non, elle comprendra.
Talia voulait vraiment rentrer à présent. Que feront leurs parents quand ils verront que leurs deux filles ne sont pas dans leur chambre à sept heures quarante-huit du matin, et que l'une d'elle a le visage baigné de larmes ?
- Comment tu as su que je n'étais pas là ? demanda Théa
- Je me suis levé ce matin pour faire pipi, répondit Talia tout en aidant sa sœur à se lever. J'ai vu que tu étais ni dans la chambre, ni aux toilettes, ni dehors. Ton téléphone était tombé sur le sol, ton livre aussi. La fenêtre était ouverte ; je me suis dit que tu aurais pu avoir envie de voir Adam le soir, alors je t'ai cherchée et me voilà.
Elle était vraiment pressée.
- J'ai pas envie de rentrer, avoua Théa, j'ai honte.
Elle essuya de son index une larme qui perlait au coin de son œil.
- Merci, ajouta-t-elle dans un murmure.
Talia lui répondit d'une petite pression de la main et d'un sourire que Théa ne pouvait voir. Talia avait l'habitude de s'échapper la nuit, pour fuir ses parents stricts et retrouver le bonheur qui l'attendait dans les bras de ses amis. Mais elle arrivait à rentrer.
Talia allait demander si elle avait vu Adam, mais il était évident que non.
Théa quant à elle, s'en voulait d'avoir essayé de ressembler à sa sœur qui désobéissait aux règles pour suivre celles que lui dictait son cœur. Il fallait qu'elle se fasse à l'idée que Talia et elle étaient différentes.
Théa détestait être différente.
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Et on parlera des nuages
Ngẫu nhiênThéa est aveugle. Adam est artiste. Et si Théa et Adam tombaient amoureux ?