Théa commençait à aimer Adam.
À beaucoup l'aimer, même.
Talia aussi l'aimait bien. Et ça c'était cool. Il ne manquerait plus que ses parents aiment bien Adam et elle aura tout gagné.
Malheureusement les parents de Théa sont un peu, disons... coincés.Déjà que quand Talia leur avait présenté Robin, le petit copain qu'elle s'était fait deux mois avant, ils avaient eu du mal à digérer le fait qu'il voulait devenir athlète professionnel. Leurs parents auraient préféré qu'il veuille devenir avocat, par exemple.
Alors quand Théa a apprit qu'Adam voulait être peintre, ça ne l'a pas beaucoup rassuré.
"Ce ne sera pas pareil qu'avec Robin, se dit-elle, Adam est un ami qui me fait découvrir le camping. C'est un ami. Juste un ami. C'est pas comme si on sortait ensemble."
- Si tu penses tout le temps à lui et que tu te convaincs que c'est juste ton ami, déclara Talia, c'est peut-être que tu penses le contraire tu ne crois pas ?
- Je ne vois pas de quoi tu parles, fit Théa en se mordant les ongles.
Le bruit des assiettes que Talia lavaient cessa. Si Théa avait des yeux, elle aurait pu voir ceux de sa soeur qui lui lançaient des éclairs.
- Théa.
- Oui ? fit-elle comme si de rien n'était.
- Tu es amoureuse de lui.
Ce n'était pas une question, c'était une déclaration, Talia en était sûre.
- Pas du tout, déclara Théa les mains moites.
- C'est dommage, Adam m'a avoué qu'il t'aimait et il vient d'arriver. Il a tout entendu.
Son cœur manqua un battement, elle eut l'impression de ne plus savoir comment respirer. L'idée qu'Adam puisse entendre une connerie de ce genre lui fut inconcevable. Soudain, elle se tourna vers la baie vitrée, Adam ne pouvait venir que de là.
- Attends Adam, il faut que je m'explique.
Talia explosa de rire. Elle frappa de son poing le plan de travail. Adam quant à lui, ne dit rien.
Théa se sentit vraiment bête. Adam n'avait rien entendu, il n'était pas là, en fait. Talia lui avait tendu un piège.
- Oh toi... la menaça-t-elle.
- Attends Adam, il faut que je m'explique, supplia-t-elle en imitant sa soeur
Le moment tant attendu arriva une vingtaine de minutes après, quand leurs parents se réveillèrent. Les deux sœurs devaient leur annoncer qu'Adam existait.
Quand elles entendirent leurs parents se réveiller doucement, elles commencèrent à réciter le dialogue qu'elles avaient apprit par cœur.
- Tu savais qu'il existent des campings adaptés aux aveugles ? Avec des chemins délimités par des pointillés en relief ?
- Mais c'est génial ! s'enthousiasma Talia, comment tu l'a su ?
Le père de Théa embrassa ses deux filles sur le front. Théa répondit :
- C'est Adam, le neveu des proprios de ce camping qui me l'a dit. Il est sympa, il me montre plein de trucs cools.
Comme prévu, leur mère s'intéressa de très près à leur discussion.
- Cet Adam et toi, vous êtes amis ?
- De très bon amis, affirmai-je, on a plein de points communs !
Leur mère avait mordu à l'hameçon. À chaque fois que Théa parlait d'un garçon, sa mère l'imaginait déjà avec une robe de mariée.
Cette fois-ci, cette idée ne déplut pas à Théa...
Le soir même, Adam, ses parents, sa tante et son oncle furent invités à manger avec les Robin.
Pendant que Théa mettait la table, elle cassa une assiette, plus à cause du stress que du fait qu'elle soit aveugle. Talia remarqua que sa sœur n'était pas très rassurée et lui proposa de faire quelque chose qu'elle aimait pendant qu'elle s'occupait de mettre la table seule. Christophe, le père de Théa et Talia, faisait le ménage. Il sortit la tête de la salle de bain pour demander :
- Tout va bien ?
- Oui, répondit Talia, j'ai juste cassé une assiette.
Christophe arriva avec une pelle et une balayette et fit disparaître tous les morceaux d'assiettes cassés, puis les jetta à la poubelle. Finalement, il en sortit une autre, et la tendit à sa fille aînée.
- Où est ta sœur, murmura-t-il
- En train de lire, fit Talia à voix haute, pour que Théa l'entende. Elle est un peu angoissée alors je lui est proposé d'aller dans sa chambre. Le couvert est bientôt mit, ce n'est pas grave si elle ne m'aide pas.
Christophe embrassa sa fille du regard, puis le fit réellement sur son front.
- Tu es une excellente sœur.
Il rangea la pelle et balayette dans un placard puis toqua à la porte de la chambre où était Théa.
- Tu peux entrer.
Christophe trouva sa fille sur son lit, en tailleur, lisant un livre en braille.
Il s'approcha pour lui caresser le haut du crâne.- Tu stresses.
- Tu sais pourquoi, fit Théa avec un ton qu'elle voulait plus gentil.
- Ta mère ne veut pas te blesser, Théa, elle essaie juste de te protéger, parce qu'elle t'aime.
Théa posa son livre et prit un coussin qu'elle cala sur sa poitrine, elle avait l'habitude de faire ça avec son doudou fétiche : une petite libellule bleue, qui s'appelait Nuage ; quand elle était plus petite, et qu'une situation l'angoissait.
- Je sais. Mais j'ai pas forcément envie qu'elle parle de moi. Elle va forcément le faire. Elle va parler seule pendant deux heures avec les invités et on sera tous les trois aussi inutile que mes lunettes de soleil.
Christophe poussa un petit rire. Pas nerveux, un vrai petit rire.
Mais il ne répondit pas, car il savait, au fond, que sa fille avait raison.
- Ça va bien se passer.
Christophe s'en alla.
Talia s'était dépêchée de se décoller de la porte par laquelle elle avait tout écouté et posa des verres à vin sur la table.
Son père avait raison, ça se passerait bien, parce que pour sa sœur, elle fera en sorte que ce soit le cas.
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Et on parlera des nuages
De TodoThéa est aveugle. Adam est artiste. Et si Théa et Adam tombaient amoureux ?