9 · Une séance de lecture chamboulée

62 21 25
                                    

Le lendemain matin, après s'être baignée la veille, Théa décidé de lire. Il est déjà neuf heures, mais Talia n'est pas levée, et Théa voulait se baigner mais elle n'a pas le droit de le faire sans être surveillée.

Alors Théa sort, prend son livre en dessous de son lit, et, à tâtons, cherche la baie-vitrée. Elle met bien trente secondes avant de comprendre comment ouvrir la porte et cherche la table et la chaise que son père lui a indiqué hier.

Elle s'assied enfin et commencé son livre, en braille.

« - J'ai tué un homme.
Il avait jeté cela d'un ton nonchalant, comme une banalité, entre deux lampées de soupe. Les lunettes d'Ophélie ...

- Tu fais quoi ?

Une voix qu'elle ne reconnut pas avait demandé cela avec un ton plein de curiosité. Une voix d'un garçon, disons quatorze, quinze ans.

Théa avait mis ses lunettes de soleil en forme de coeur, et regardait le ciel. Ses mains caressaient son livre et chaque petit grain que sa peau parcourait lui révélait un mot, une phrase. Et puis tout prenait sens.

- Je lis, répondit Théa d'une faible voix, comme si c'était la première fois que quelqu'un lui adressait la parole.

Léger silence que Théa traduirait par de l'incompréhension. L'habitude.

Maintenant Théa voulait savoir ce que ça ferait si...

- Je suis aveugle et je lis La Passe-Miroir. Si t'aime lire tu devrais essayer.

- Je l'ai déjà lu. Thorn meurt tué par Berenilde.

Théa plaça sa tête en face de la voix. Comme si elle voulait la regarder dans les yeux.

-Tu t'appelles comment ? demanda t-elle

- Adam.

- Adam, t'es pas sympatoche.

Adam rigola et s'assit sur la chaise en plastique en face de Théa.

- Ça va je te gêne pas ? Tu veux du sirop tant que t'y es ? demanda Théa qui commençait sérieusement à en avoir marre.

- Du sirop j'en veux pas, merci. En revanche, je prendrais bien ton amitié.

Quoi ?

- Répète moi ça, ordonna Théa, qui n'avait pas compris.

- Je t'explique : mon oncle et ma tante tiennent ce camping. J'y viens toutes les années depuis que j'ai sept ans. Et là, je me fais sacrément chier. Pas parce qu'il n'y a rien à faire, même si c'est vrai qu'y à pas grand chose, mais surtout parce que y a personne de mon âge. Alors je t'ai vue hier te baigner et quand j'ai vu que tu portais le bracelet du camping, je le suis dit que demain -donc aujourd'hui, j'espère que tu suis- j'irais te parler, et peut-être qu'on deviendrait amis ?

Un long silence s'installa.

- Répond pas trop vite, je suis un peu con.

Théa sourit et décida de parler, en jetant ses cheveux en arrière, comme le fait sa sœur.

- Bon et ben je veux bien rester un peu avec toi, mais tu serais sympa à l'avance de ne pas me spoiler mon livre et de ne pas être trop lourd. Je suis pas baby-sitter.

- Je sais que t'es pas baby-sitter, puisque t'es mon amie. Moi mes amis, je les choisis bien ; et jamais je serais ami avec un ou une baby-sitter, ils sont toujours là, à garder des pitits zenfants, c'est chiant, ils sont jamais là pour sortir.

Théa esquissa un sourire de politesse, mais elle s'en fichait complètement. Monsieur choisit bien ses amis mais vient vers elle au hasard.

Bref, ce gars sera vite oublié dans deux semaines.

Et on parlera des nuagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant