REMEMBER... That night

~ ONE ~

J'ouvre les yeux. Il fait tout noir. Je me retourne et regarde l'heure : trois heures vingt-huit. Et je ne me souviens de rien. Oh quelques bribes oui, mais rien de plus. Hier soir j'étais invitée chez « Dodo », le restaurant de Dorian, un ami de mon beau-père. Il nous a fait sa spécialité, « La tartiflette de Dodo ». Elle est bourrée de fromage et de crème fraîche, le truc infâme que tu manges pour faire plaisir... Mes parents adorent y aller, il y règne une bonne ambiance et on y rencontre souvent de vielles connaissances.

Hier c'est Éric, accompagné de sa femme qui a rejoint notre table. Ma mère et moi n'aimons pas trop ce gars-là, c'est un gros beauf qui passe son temps à se saouler la gueule et à fumer de l'herbe. C'est un ami d'enfance de Mike, mon beau-père, ils se connaissent depuis l'adolescence alors on ne peut pas lui refuser notre table... Chez nous, la tradition c'est de faire en sorte que tout le monde soit content. Alors, avec ma mère, on va prendre sur nous et nous amuser. Après tout, on ne se voit pas souvent...

- Ehh, Amanda !! Ça me fait plaisir de te voir, comment vas-tu ?

- Toujours aussi bien, et toi Eric ? Oh, bonjour Cynthia !!

- Ma foi, les affaires tournent... La vente en ligne est en train d'exploser !! J'ai entendu dire que de ton agence était sélectionnée pour un gros projet à Montpellier ?

- C'est vrai, c'est vrai... C'est encore secret.

- Allons, allons !! Installons nous et ne parlons pas boulot ce soir, lance Mike. Ahh, mon Éric, t'as pris un p'tit coup d'vieux, non ?

La soirée est animée, la salle de restaurant est bondée de monde et de nombreux éclats de voix s'échappent de notre table. Nous nous empiffrons pendant qu'Éric et son acolyte nous racontent leurs anecdotes. Tout le monde s'amuse, mange et boit... La plupart un peu trop, si bien que les verres s'enchaînent et que le niveau de vin dans la bouteille descend à toute vitesse...

Tout à coup, Éric, complètement ivre entraîne Mike sur la table. Une chose est sûre, ces deux-là n'ont pas l'air d'avoir les idées bien en place. Ils montent tout deux tant bien que mal et, essayant de se tenir debout commencent à danser un slow. Maman fait comme si de rien n'était. On ne risque pas de se faire disputer vu que Dorian mange avec nous et que nous sommes dans une salle assez reculée du reste du restaurant...

Mais alors qu'ils se rapprochent dangereusement et que leur danse devient de plus en plus torride, les voilà qui commencent à se galocher ! Ma mère se mord la lèvre pour éviter de hurler dans tout le restaurant à ces deux ivrognes d'arrêter immédiatement ce qu'ils sont en train de faire. Elle ne veut pas jouer les rabat-joie auprès de Cynthia, la femme d'Éric... Mais elle ne peut laisser échapper un cri de stupeur en voyant Mike et Éric s'embrasser !

Ma mère n'a pris ce soir qu'un verre de vin à l'apéro et a donc gardé toute sa lucidité. Je suis exactement dans le même cas. Enfin presque, je n'ai bu que du jus de tomate, avec six goûtes de Tabasco (sans doute ce qui me brûle le palais depuis tout à l'heure...) ! Lorsque j'avais huit ans, j'ai été traumatisée par mon demi-frère. Il a sombré dans tout ce qu'il ne fallait pas, s'est enfuit du domicile familial et on ne l'a plus jamais revu... Je me suis juré de ne pas devenir comme lui et ainsi de ne jamais boire d'alcool, de ne jamais fumer et de ne jamais consommer de drogue. J'ai appelé ça « la règle des trois J ». Et pour le moment, j'ai toujours appliqué ce serment.

Ma mère me regarde avec lassitude et cherche du regard Dorian, dans l'espoir qu'il fasse sortir tout le monde et que la soirée se termine. Elle l'aperçoit en bout de table, un verre de Rhum à la main en train de rigoler bêtement avec Cynthia de cette situation improbable. Celle-ci n'est pas dans son état normal. Elle n'a pas bu une goutte d'alcool, mais elle est complètement shootée, elle doit en être à son troisième pétard ou je ne sais quelle merde. Elle n'a pas arrêté de faire des allées et venues entre la rue et la table... En tout cas elle a été obligée d'arrêter de fumer il y a quelques minutes, car il ne lui restait plus d'herbe. À ce moment j'ai voulu lui dire d'aller au parc brouter, mais je me suis résolue à garder ma connerie pour moi.