0 | Prologue

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Les tombes se dressent au milieu de la prairie, projetant une ombre sur le sol malmené par le temps. Le vent s'est levé et les herbes bougent doucement, au rythme de l'air. Les oiseaux ont arrêté de chanter, comme noyés dans le silence de mort du cimetière.Le soleil est haut dans le ciel. La peau brune de son garçon est perlée de sueur. La sienne aussi.

La première chose qui déchire le silence, est le bruit de ses pas qui résonnent sur les dalles fissurées.

La deuxième chose est le babillement de son fils, qui l'accompagne. Babillement qui meurt dès que ce dernier aperçoit les hautes grilles en fer forgé.

Sa petite main vient se glisser dans la sienne, exerçant une légère pression. Il lui en est reconnaissant, pour cela. En retour, il sert sa main un peu plus fort.

Il s'avance vers le portail, se donnant autant de contenance que possible. Pourtant ce n'est pas la première fois qu'il vient. Mais aujourd'hui est un jour spécial.

La troisième et dernière chose qui brise le silence est le grincement aigu d'une porte qui s'ouvre.

— Ca ira, Kris, s'entend t-il dire. Il n'est pas sûr que ça soit sa voix, rauque et amère qui sort de sa bouche. Il n'est pas non sûr plus qu'il s'adresse à Kris.

De sa main libre, il ébouriffe les cheveux de son fils. Et ils pénètrent dans le cimetière.

Ses pieds le dirigent tout seul dans ce dédale de caveaux. Il essaie de ne pas penser, de pas laisser les souvenirs resurgir. Il est devenu fort à ce jeu. Son allure accélère; il ne veut qu'une chose : arriver à destination.

Un tiraillement sur son bras le sort de son flot de pensées. Kris est derrière lui, la tête rentrée entre les épaules. Une vague de culpabilité le submerge. "Je suis là" veut-il dire. Mais il ne le fait pas. Alors aussi doucement qu'il peut, il pose sa main libre contre le cou du garçon.

Ils se remettent à marcher, bien que moins rapidement cette fois. Il guide Kris à travers ce dédale de tombes qu'il connaît par coeur avec le temps. Les lettres gravées sur la pierre, défilent, floues. Mais il n'a pas besoin de les voir pour connaître les noms qu'elles forment : "Wang, Twee, Stenbock, Rosenberg, O'Kelly, Mathisen, MacKlane, Lufthal, Jones, Emstern, Curtiss ..."
Kris le suit, sans remettre une seule fois en question le chemin qu'ils prennent.

Ils finissent par arriver devant une tombe, en fin d'allée, légèrement à l'écart des autres. Après toutes ces années, la pierre est maintenant élimée, couverte de mousse. Son regard est attiré vers l'inscription. Il la fixe encore et encore, incapable de détourner le regard. Les bruits s'atténue ; son champs de vision se réduit à ces quelques lettres. Tout autour de lui, le monde est mis en sourdine.

— Papa... (Il a vaguement conscience de la présence de Kris à ses côtés. Mais il ne veut pas tourner la tête, ne veut pas affronter le regard interrogateur de son fils.) Papa !

Cette fois, Kris élève la voix. Une pointe de panique perce dans son cri. Il regrette presque d'avoir emmené le garçonnet. Mais il faut bien que ce dernier apprenne, il le faudra bien un jour. Il se prépare à parler, avant que ses résolution s'écroulent, les unes sur les autres.

Kris le devance :

— C'est qui ? (Le petit garçon pointe du doigt la tombe)

Il sourit. Il sait très bien que c'est un sourire sans joie, un sourire fatigué. C'est le mieux qu'il puisse faire pour l'instant. Quand il se met à parler, son ton est morne, dénudé d'expression.

— C'était quelqu'un d'important.

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Coucou !
Alors, c'est le premier texte (premier prologue) que je poste ici ^^' *rire nerveux*

Merci beaucoup à vous de lire ! Et si vous votez, encore une fois, merci beaucoup :)

No Escape From RealityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant