Emma Pyren

XIX : Nouvelle vie... ou pas

- Tiens-moi la porte, Emma, fit une voix dans mon dos

Je me retournais pour voir arriver Aurianne, ma collègue de travail, les bras chargés de cartons. Je lui tins la porte et nous prîmes toutes les deux place derrière le comptoir. Je travaillais ici depuis maintenant un mois et demi et m'étais doucement habituée à ce quotidien sans histoires. La restauration rapide n'était pas de tout repos, mais je me sentais bien dans ce quotidien. 

Cela faisait trois mois que nous avions emménagé dans notre appartement avec Elisa et Danaé. La cohabitation n'était pas trop difficile, bien que Elisa et Danaé n'étaient jamais d'accord concernant les repas. Nous vivions paisiblement, ayant presque oublié la raison qui nous avait fait quitter notre chez nous. Ma mère me téléphonait souvent pour prendre des nouvelles. Je lui avais dit que je souhaitais abandonner mes études pour trouver un travail.

Elle avait essayé de m'en dissuader, mais avais fini par céder lorsque j'avais joué la carte de l'agression. Je ne lui avais pas tout raconté, mais suffisamment pour qu'elle accepte mon départ. Ma mère avait toujours voulu que je me sente bien et que je sois épanouie. Je n'avais été que très floue pour lui raconter comment se passait ma nouvelle vie. Je ne citais jamais ni le nom de la ville, ni de mon lieu de travail. Elle ne me demandait pas.

- Emma ? Tu veux bien arrêter la friteuse ?, me fit Aurianne 

Elle était en train de recharger la machine à glace en croustillants en tous genre. Plongée dans mes pensées, je n'avais pas entendue l'alarme de la friteuse retentir. Je me précipitais donc pour sortir les frites, toujours pensive.

Mes collègues de travail étaient sympathiques et le boulot me plaisait bien. On était tout le temps en train de faire quelque chose, ça m'empêchait de trop réfléchir. Quelques fois, c'était épuisant, mais en somme, la vie que je menais était plutôt confortable.

Une fois mon service terminé, je saluais les filles qui prenaient le relais et sortais du restaurant, m'apprêtant à rejoindre mon arrêt de bus. Un client, assis à une table de la terrasse m'interpella cependant. 

- Mademoiselle ?

Je m'apprêtai à lui dire que je n'étais plus en service, j'avais même enlevé mon uniforme mais un sourire que je connaissais bien fendit ce visage familier.

- Gaël ?! Que... Qu'est-ce que tu fais là ?

Il se leva et rangea son téléphone, s'avançant vers moi avec un sourire radieux. Le souvenir des dernières fois qu'on avait passé du temps ensemble me revint et je me sentis rougir.

- Je passais dans le coin, et j'ai cru te reconnaître. Comme je n'avais plus de nouvelles, je me suis dit que j'allais attendre que tu termines. Ça ne te dérange pas, j'espère ?

Son regard se fit inquiet tout à coup, et son expression me fit fondre.

- N-non ! Pas du tout ! Je... J'ai juste été très occupée ces derniers temps...

Je baissais les yeux, tentant de garder en tête qu'il était toujours suspect.

- Lorsque j'ai demandé des nouvelles chez toi, on m'a dit que tu étais partie à cause d'une agression... Tu n'as pas été blessée, j'espère ?

- N-non, tout va bien... 

Son visage se para d'un sourire radieux, empli de soulagement. Il effleura ma joue du bout de ses doigts et vint replacer une mèche derrière mon oreille.

- Tu m'en vois rassuré... je me serais senti coupable de ne pas avoir pu t'aider...

Son geste fut si doux, et sa voix tout autant.. je ne pus plus longtemps rester distante. Avec tant de douceur, il ne pouvait pas être un ennemi. Mes joues rougirent un peu plus et mon coeur loupa un battement. 

- Alors c'est là que tu travailles ?, fit-il en observant le bâtiment, Tu allais quelque part ou tu as du temps à perdre avec moi ?

- Je... Je suppose que je peux bien gaspiller mon temps à t'écouter parler, répondis-je sur un ton amusé

Il lâcha un rire franc qui, une fois de plus, fit bondir mon coeur. 

Nous nous rendîmes dans un café et commençâmes à discuter. Mais dans quoi est-ce que je m'embarquais..?