Chapitre 5

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Le mois de décembre se déroula sans trop d'encombres pour Altaïr, qui maniait de mieux en mieux son portique, à tel point qu'il donnait un ou deux conseils à Amberson. L'irlandais était ravi de sa présence. Depuis les six années où il bossait sur ce quai, il avait changé de collègues comme de chemises : la plupart avaient été des incapables, quelques rares avaient été changés de poste ou de port dans le monde, d'autres s'étaient suicidés ou n'avaient jamais été retrouvés. Le gros irlandais savait que l'organisation pour laquelle il travaillait était louche, mais il faisait son boulot avec aplomb et sérieux.

Les soirs de la semaine, quand il ne dinait pas avec Amberson, Altaïr préférait rester seul dans son conteneur. Il avait découvert que l'ordinateur était amputé de quelques pièces en le démontant. Mais surtout, il étudiait encore et toujours l'organisation. Chaque jour, il se rapprochait un peu plus du poste qu'il convoitait, il avait même rencontré pour la première fois le gestionnaire logistique. Ce milanais s'appelait Emiliano Farletti, c'était en tout cas le nom avec lequel il signait les documents officiels. Et officieux... Altaïr n'avait pas encore pu l'approcher suffisamment, mais au moins le contact était noué. Il avait demandé à Chienlit sur place de le filer pour le connaître davantage, mais celui-ci avait refusé net.

« Non, impossible, avait-il répondu à Altaïr, ce mec arrive et repart à bord de son hélicoptère. On ne sait pas où il crèche, s'il a une femme, s'il en baise une autre... On ne sait rien de lui ni des autres. C'est votre boulot.

— Et le centre, ils ne peuvent rien faire ? Le suivre par satellite par exemple, non ?

— Ils ne veulent surtout pas alerter quiconque, ça pourrait mettre l'opération en danger. C'est une vraie opération de terrain, pure et dure. Et puis les satellites... »

Nombre d'entre eux avaient été détruits par des missiles transcontinentaux ou des fusées à têtes chercheuses, pendant la période de tension lors du conflit Indo-Pakistanais. Il avait soulevé des alliances mondiales gigantesques, comme au temps des deux guerres mondiales du 20e siècle. Altaïr se souvenait encore des enseignements qu'il avait reçus à propos de ces deux énormes conflits qui avaient tant bouleversé l'humanité. Il avait alors craint que son pays ne s'aligne encore une fois dans un troisième conflit planétaire, mais le conseil de sécurité de RiSE, à défaut de pouvoir empêcher les attaques destructrices indiennes et pakistanaises, avait fini par faire son boulot. Lors d'une conférence de presse internationale, son président d'honneur avait déclaré qu'un tel conflit ruinerait entièrement la planète et ses habitants, citant pour conclure un célèbre physicien du siècle dernier. Les protagonistes avaient donc jugé plus sage de refermer leurs braguettes pour arrêter le concours de bite planétaire.

Altaïr descendait de sa grue à bord de sa petite cabine-ascenseur en même temps qu'Amberson. L'irlandais était d'humeur festive, et pour cause, on était vendredi soir, le seul jour de la semaine où lui et Altaïr s'autorisaient à sortir du port. Le français le faisait évidemment pour sa mission, mais aussi par plaisir, commençant à apprécier son collègue buveur de bière.

« Je vais enfiler quelque chose de plus confortable, dit-il à Amberson, j'arrive !

— Aucun doute que tu enfiles quelque chose ce soir, s'exclama l'irlandais, la petite t'a dans le viseur ! »

Altaïr retira son casque, enleva ses chaussures de sécurité et ses habits en jean, puis se rua sous la douche. Il se félicitait de n'évacuer sous l'eau que de la transpiration. Auparavant, quand il était ouvrier, des fluides noirs s'écoulaient dans la grille. Ou alors était-ce la couleur de l'eau ? Il enfila ses habits qu'il conservait pour sortir : un pantalon noir, une chemise blanche et un pull noir lui aussi par-dessus. Il se passa les doigts dans ses cheveux bruns et tailla un peu sa barbe, noire elle aussi.

L'Ordre de JanusWhere stories live. Discover now