Chapitre 17

1 0 0
                                    

Affalé sur le siège de Rylad derrière son bureau, Altaïr se faisait asperger de désinfectant par Goldrich, le copropriétaire de la discothèque. Le gros allemand n'y allait pas avec le dos de la cuiller et avait imbibé tout entier le torchon avec lequel il soignait les blessures. Les picotements lui décollaient la peau.

Quand Goldrich le laissa seul un court instant, Altaïr activa son Pod après avoir ressenti une vibration dans le bras. Sur l'écran, deux lumières clignotèrent succinctement, une rouge et une verte, et le Pod se désactiva. Les supérieurs d'Altaïr allaient lui apporter le matériel qu'il demandait, mais refusaient en revanche qu'il se mette en danger pour Rylad. Salauds. La mission primait avant tout. L'objectif était de neutraliser Farletti, de photographier ses activités compromettantes et rien d'autre. Salauds. Il enleva les munitions endormantes de son pistolet pour n'y mettre qu'une seule cartouche.

« Alors ? demanda Goldrich en revenant dans le bureau.

— Ça devrait aller, répondit Altaïr.

— Je ne parle pas de toi.

Je pense bien oui...

— Pour Rylad, demanda Goldrich, qu'est-ce qui se passe ? »

Altaïr lui montra le message de Farletti avec la photographie de la petite Géorgienne bâillonnée dans une pièce. L'allemand devint pâle, très inquiet.

« Bon sang, ce mec ne plaisante pas...

— Je vais m'en occuper, le rassura Altaïr.

— Comment ? Regarde dans l'état que tu es. »

C'est vrai qu'il avait mauvaise mine. Son visage était boursouflé et rougi, de la pommette jusqu'à l'arcade. Les effets de l'amphétamine s'étaient évanouis depuis longtemps et la douleur était telle qu'elle semblait fissurer sa boîte crânienne sans la faire exploser, de sorte que la douleur ne pouvait en sortir et y restait comprimée. Les sensations de confiance en soi s'étaient elles aussi évaporées, au cours de l'heure et demie écoulée depuis qu'il avait croqué dans la capsule.

Pour autant, il avait déjà un bon nombre de pièces en main pour faire tomber Farletti, ce qui aurait dû le réjouir. Voilà maintenant plus de sept longs et pénibles mois qu'il travaillait à Port Hamad, espérant chaque jour mettre en place un tel plan, visant à destituer le milanais. Quoi qu'on puisse penser de ses méthodes, son plan avait fonctionné. Certes, il devait encore nourrir le rapport qu'il enverrait à Gusta-Karilh, le directeur logistique du Moyen-Orient, en plus de l'enregistrement audio. Avec tous ces éléments, une enquête d'activités prouverait la vérité et le vote des ouvriers placerait Altaïr au poste de gestionnaire. Bingo !

Non, la véritable raison de son scepticisme quant au dénouement de cette histoire, c'était de douter que Rylad puisse s'en sortir. Il avait déjà pris sa décision, il ferait fi des ordres reçus. Il ferait tout pour la sauver, mais il en doutait sérieusement. Il avait été sérieusement amoché par le grand porte-flingue.

« Tu vas avoir besoin d'aide.

— Non, Goldrich. Surtout pas. Si tu t'y mêles, je n'aurai plus aucun contrôle. Je n'ai déjà pas beaucoup de marge de manœuvre. Non, c'est à moi et moi seul de résoudre tout ça.

— Et si tu échoues ?

— Alors tu hériteras seul de la direction de la discothèque. »

Il fit de gros yeux et réprima un sourire, visiblement appâté par ce qu'il venait d'entendre. Le parfait rapace, dans toute sa splendeur.

« Où vas-tu ? s'étonna-t-il en voyant Altaïr se lever de sa chaise.

— Dormir. Tu n'aurais pas un lit à me prêter ? Histoire que je sois frais pour ce soir.

L'Ordre de JanusWhere stories live. Discover now