Chapitre 18

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Les riches fêtards étaient pomponnés et habillés comme des marquis, s'apprêtant à écumer tous les restaurants, les bars, les discothèques, les salles de jeux et les maisons de plaisir. Le samedi soir, il était courant de voir les couloirs et les jonctions des cinq tours de Luxurious Center se remplirent rapidement d'une foule éméchée, criante et bordélique. Le contraste était saisissant et tranchait nettement avec la propreté et la rigueur qui régnait durant la semaine.

Les pires étaient sans doute les courtiers de la bourse de Doha, perchée tout en haut de la tour principale. Leurs narines étaient déjà entourées d'une poudre blanche tandis que leurs dix doigts tenaient comme par magie plusieurs coupes de champagne débordantes. Ils s'adonnaient à des pratiques sexuelles, parfois presque illégales, partout dans les couloirs, les toilettes et même dans les ascenseurs, oubliant les autres passagers à côté. Ils estimaient être au-dessus des lois, telles des colombes toisant les crapauds de la police. Cependant, ces lions affamés de chair et d'alcool se muaient en chatons naïfs et inoffensifs quand des agents de la police de Luxurious pointaient leur nez. Cette ambiance n'était pas pour alléger la boule de tension qui obstruait l'estomac d'Altaïr et qui grossissait à mesure que l'ascenseur s'élevait dans la grande tour. Pour se changer les idées, il vérifia qu'il avait tout sur lui : bottes, portable, pistolet chargé d'une seule balle – celle pour Farletti au cas où – et bille verte, coincée sous manche.

« Eh m'vieux, tituba l'un d'entre eux en s'adressant à Altaïr, t'veux ch'te dise ? Les flics du bas, ceux qui sont 'core les pieds su'terre... il explosa de rire et posa sa tête sur l'épaule d'Altaïr. Ces cons s'occupent des... Les culs terreux, dans la crasse.

Tiens, j'en ai besoin.

— Eh, s'énerva-t-il, r'donne ! »

Altaïr lui sirota d'un trait l'une des cinq coupes de champagne qu'il avait dans la main. Putain de monde ! Oh que ça fait du bien ! Le champagne le délia un peu et il parvint à se détendre légèrement. Le courtier déchiré par l'alcool le poussa à l'épaule. Altaïr resta calme. Pas tout de suite, pas tout de suite. L'homme bourré réitéra. Oh et puis aller, rien de tel qu'un petit échauffement avant le grand match ! Il prit alors la décision de se détendre une bonne fois pour toutes. Il agrippa l'homme à la nuque qui fit tomber ses coupes au sol, se brisant en mille morceaux. Puis il le frappa deux fois à l'estomac et au foie. Pas sport de se battre face à plus faible, mais je suis comme ça moi : je ne suis pas sport. Altaïr appuya sur le bouton 223, le prochain étage que son ascenseur atteignait. Les portes s'ouvrirent peu après et il balança le courtier juste à temps sur le palier, pour qu'il puisse vomir... aux pieds d'un agent de la police de Luxurious...

« Désolé, monsieur l'agent. Ce doit être une dure soirée pour vous et vos collègues, compatit Altaïr.

— Une dure journée tout court, répondit celui-ci en montant dans l'ascenseur. On cherche toujours le type de ce matin.

L'ascenseur atteignait le 225e étage.

— Celui qui a causé l'accident ?

— Exact. Vous l'avez-vu ?

— Le type, oh non...

— Oh, ça je me doute, rit l'agent. Je parlais de l'accident. Si vous aviez vu le suspect, vous vous seriez enfui d'ici. C'est le genre d'individu un peu sombre et dangereux dont Luxurious regorge...

Altaïr fut déçu qu'on le décrive en ces termes. Dangereux, éventuellement. Mais sombre ? Et puis ça veut dire quoi ça, sombre ? Il estimait être d'une politesse charmante quand il ne causait la mort de personne.

L'Ordre de JanusWhere stories live. Discover now