Chapitre 7

5 0 0
                                    


Le lendemain.

L'ombre vint se placer une dernière fois sur les commandes de la table des machines, dans le bâtiment principal de l'usine aux très hautes cheminées rouges. Elle posa son casque jaune sur le rebord et appuya successivement sur les boutons jaunes et violets, ce qui fit stopper enfin les fourneaux bruyants. Un bruit grave résonna entre les taules et toutes les autres ombres quittèrent leurs postes, lassées.

« Altaïr ? Eh, Altaïr ! »

Il se réveilla en sursaut aux sons des cognements d'Amberson sur la porte de son baraquement.

« Oh, foutue marmotte ! Il est presque vingt heures, debout !

— J'arrive, parvint-il à articuler. »

Étonnamment, il se souvenait parfaitement du rêve qu'il venait de faire. Mais il ne comprit pas pourquoi il l'avait fait cette nuit-là, et pas une autre. La discussion qu'il avait eue avec Benjiro lui avait travaillé l'esprit, mais il parvenait quand même à s'en défaire. Il sortit retrouver son collègue sur le pas de la porte, toujours l'air interrogateur.

Amberson et lui montèrent à bord d'un utilitaire pour rejoindre leurs portiques respectifs. Une semaine après leur discussion qui avait suscité l'intérêt d'Altaïr, les deux hommes n'en avaient pas reparlé. Altaïr n'osait pas brusquer Amberson voire même se griller s'il devenait trop insistant. Aussi, il le voyait souvent traîner avec Farletti, l'italien essayait de se le mettre dans la poche. Il savait que le contremaître irlandais était apprécié sur les docks. De son côté, Amberson n'avait pas encore suffisamment confiance en Altaïr, pas assez en tout cas pour lui confier ses réelles convictions à propos de Farletti, ni des discussions qu'il avait avec. Le véhicule slalomait le soir entre les différents amas de conteneurs et se gara au pied des immenses grues.

« Allez, bonne nuit ! »

Altaïr rendit le salut à son ami et grimpa dans sa cabine-ascenseur. Il entra dans la cabine de l'immense portique, perché à plus de cinquante mètres de hauteur. Il releva Sanders pour la nuit, qui descendit rejoindre l'utilitaire, toujours garé en bas.

Altaïr activa les projecteurs des poutres qui éclairèrent l'immense Alea Jacta Estau-dessous, un porte-conteneur de taille moyenne. Il prit ses joysticks en main. Il poussa le gauche vers l'avant et fit coulisser sa cabine suspendue jusqu'au-dessus de la cale. Sa console lui indiqua qu'il devait décharger le conteneur à l'indicatif E-24-186. Aussitôt, il positionna sa cabine au-dessus et poussa vers l'avant le joystick droit. Plusieurs longs treuils au bout desquels était fixé un puissant électro-aimant descendirent de sous ses pieds jusque sur le dessus du conteneur. À l'impact, ils vibrèrent sèchement et les petits hommes dans le bateau levèrent le pouce en direction d'Altaïr. Il tira alors vers lui le joystick droit et fit se suspendre la brique rouge, qui devint rapidement une grosse caisse de stockage à mesure que les câbles la tiraient vers le ciel. Il tira sur le joystick gauche et fit à nouveau coulisser sa cabine, la positionnant cette fois-ci au-dessus d'un camion-robot qui stationnait au pied de la grue. Le conteneur sur lequel était inscrit Hinode fut fixé dessus, Altaïr décrocha l'électro-aimant et vit le petit camion-robot autonome filer sur des rails électriques.

L'activité était moins intense la nuit. Les rares chariots fendaient les halos jaunes des puissants réverbères alignés le long des lieux de stockage pour hisser les conteneurs sur leurs fourches. Mais de là-haut, Altaïr et Amberson ne prenaient pas le temps d'admirer le magnifique paysage maritime qu'offrait le terminal. Tous deux continuaient leurs va-et-vient en silence pendant plusieurs heures, jusqu'à ce qu'Altaïr se saisisse de son micro.

L'Ordre de JanusWhere stories live. Discover now