Chapitre 10

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Le jeudi soir, Altaïr sortit enfin des rues ensablées de Melting Pot et poussa la porte du Drink This is my Piss. Une forte tempête de sable durait depuis le début de la matinée et donnait au ciel une couleur plus sombre que ne l'était celle du fumier. Il se fraya un chemin entre les tables bondées d'ouvriers et de putes sur leurs genoux. Des écrans de télévisions aux murs transmettaient un match de football ainsi que les essais qualificatifs du Grand Rush, qui faisait escale au Vatican pour clôturer ce mois de janvier 2055. Amberson l'accompagnait, mais comme convenu, il n'était pas rentré dans le pub, préférant la compagnie douce des filles du Triple Kiss For Men.

« Ah, salut Alt' ! »

Marcus était le barman du pub, son pub. Il avait l'œil sur tout le monde, connaissait les entrées et venues de ses clients. Alors quand il vit Altaïr débarquer un jeudi soir, il fut surpris autant qu'heureux.

« Elle est libre, fit-il d'un clin d'œil, tu as trois bonnes heures devant toi. Son premier rendez-vous est à 23 h, je crois, avec le gros flic. Elle est en haut. Que nous vaut ta présence en semaine mon vieux ?

Marcus n'était donc pas au courant que Tirhus était déjà dans la chambre de Rylad, endormi comme un bébé. Il avait dû prendre les escaliers de service, ce qu'il faisait souvent selon la petite Géorgienne.

— Manque affectif, répondit simplement Altaïr. »

À la réflexion, le pub devrait plutôt se nommer Drink my Piss & Fuck a Whore. Il accéda au troisième étage sans ascenseur du bâtiment délabré et caverneux. Allez, j'entre, je prends le badge, je sors. Arrivé devant la porte de la chambre de Rylad, qui avait comme inscription le chiffre un, Altaïr devint tout à coup douteux, et cela pour deux raisons. Il se demanda d'abord par quel procédé on avait pu attribuer le numéro un à une chambre située au troisième étage, alors que d'autres étaient situées aux étages inférieurs. Parce que Rylad est la meilleure, sans doute.

Mais la principale raison de son doute était que cette porte – qui aurait dû porter en toute logique le numéro 27 – était entrouverte et qu'elle claquait contre le mur. Altaïr y pénétra. La pièce qu'il connaissait bien était sombre et pleine de sable sur le sol. Sur le lit double au matelas jauni, un corps nu gisait sur le ventre. Altaïr s'en approcha et découvrit que c'était un homme, d'une cinquantaine d'années, un peu gras. Il arrivait parfois à Rylad de donner du plaisir aux femmes et la plupart d'entre elles avaient, comme le béluga ici présent, un gabarit de type porte-conteneur. Le corps inconscient n'était là que depuis très peu de temps. Les fesses de l'homme étaient rougies de coups de fouet, lequel était aux pieds du lit. La fenêtre coulissante était ouverte et laissait s'engouffrer un peu de vent ensablé. Altaïr s'en approcha et passa la tête par son ouverture, au-dessus de la rue. Il cherchait des yeux Rylad, peut-être en fuite ou en train de se cacher quelque part dans la fourmilière, plus bas. Il vit un couple se faire menacer par plusieurs couteaux que tenaient des hommes en capuchons. Aussitôt, il l'imagina en danger.

Il fut tenté de prendre lui aussi la fuite par la fenêtre, mais Marcus l'avait vu monter. Non, le plus logique pour éviter les soupçons était de descendre alerter le barman et de lui dire que Rylad était introuvable. Mais avant qu'il n'ait pu sortir de la chambre, elle se planta devant lui, ce qui lui fit pousser un soupir de soulagement.

« Tu m'as foutu les jetons ! »

Le soulagement laissa place à l'incrédulité. Il s'interrompit en voyant l'arme braquée sur lui.

« Putain, qu'est-ce que tu fous ? C'est qui ce gros ?

— Tirhus.

— C'est lui ? Sérieusement ? Il irait plus vite en roulant qu'en montant à bord d'une Venom. »

L'Ordre de JanusWhere stories live. Discover now