Odd Amethyst

Chapitre 12 - Le Rideau Se Lève - Part. 1

Mes pieds m'ont-ils réellement menée au Morpheum ? Mais qu'est-ce que je fous là ? Pourquoi je me lance comme ça dans la gueule du loup ? Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Bon sang !

Ce n'est ni mon intelligence, ni une activité réfléchie de mon cerveau qui m'ont conduite vers ce bordel diabolique. Ce sont bien mes jolis petits petons et mes jambes qui ont arpenté les rues d'Externae, en mode pilote automatique.

Alors que tout le monde dormait à poing fermé, je m'étais éclipsée en évitant de réveiller toute la maisonnée. J'avais eu le temps de penser toute la journée à ce que m'avait dit ce fameux Magnus, démon de mes nuits et voleur d'identité. Je suis une métamorphe, c'est vrai. Pour ce dernier point, je ne pouvais pas le blâmer. Où, en fait, si... Je n'ai jamais pris l'apparence d'une tierce personne pour copuler avec quelqu'un, moi.

Externae n'est pas dans les bras de Morphée, elle. Même si son lieu de débauche s'appelle Morpheum. L'endroit est bel et bien vivant, contrairement aux rues du centre d'Odd Town. Ce quartier-ci gronde de monde. On y trouve essentiellement des créatures fantasques mais aussi quelques humains, du moins en apparence.

Devant la grande baie vitrée de la maison close - ou ici véritable labyrinthe des désirs inavoués et défendus -, je m'arrête face à un être ailé à la peau grise et aux abdominaux en béton armé. Il ne porte qu'un string noir. Ses yeux, d'un jaune orangé pénétrant, me fixent. Il exécute une danse lascive, tentant probablement de se faire une nouvelle cliente.

Je détourne finalement le regard, non-intéressée par la proposition, et m'engouffre dans l'antre de la luxure.

À l'intérieur du bâtiment, je suis interceptée par une femme à la longue chevelure blanche ondulée. Ses yeux, d'un noir luisant, me toisent avec dédain. Elle est élancée et bien plus grande que moi, ce qui accentue son regard arrogant à mon encontre.

Tu parles d'un accueil...

- Athalia, j'imagine ? Tu es attendue dans les appartements de Magnus. Et tu es en retard, m'agresse-t-elle d'une voix pleine d'emphase.

- Non. Pas du tout. Qui est Athalia ?

Toute son attitude m'horripile. Sa beauté n'est pas à démontrer. Elle est vraiment sublime. Son décolleté vertigineux laisse apparaître une poitrine plus que généreuse. Mais ce n'est pas la jalousie qui me fait la détester sans la connaître. C'est son air suffisant et tous ses gestes vaniteux qui me font grincer des dents.

- Je ne vois vraiment pas ce que Magnus trouve de spectaculaire en un petit être aussi insignifiant et à l'humour digne d'une fillette de six printemps, telle que toi, répond-elle en un soupir. Suis-moi. Mieux vaut ne pas le faire attendre...

Elle avance avec grâce et je la suis dans les couloirs en râlant.

- Moi non plus. Je te le laisse avec plaisir, ne t'en fais pas ! Je ne suis pas attirée par les démons violeurs, contre-attaqué-je.

- Fais attention à ce que tu dis, petite sainte-nitouche. Ne sais-tu pas qu'un incube ne te touche que si tu es consentante ? Tu es aussi sage qu'une religieuse qui prône la virginité mais s'imagine se faire pénétrer violemment par un démon tous les soirs.

- J'aurais préféré éviter cette image, merci.

Dans un sens, je l'y avais autorisé, oui. Sauf que... Je pensais que c'était Callum. Je suis certaine que ce dernier aurait été moins agressif lors de nos ébats. Je m'en voulais de m'être fait duper.

- Je t'en prie...

Le reste du trajet se poursuit dans le silence le plus complet. Je ne sais pas si c'est voulu, mais nous ne traversons pas les endroits que j'avais déjà eu l'occasion de voir. Rien de glauque. Aucun cri. À mon grand plaisir. Je ne reconnais presque pas les couloirs. Les allées sont sobres et éclairées. Les tableaux sont des représentations tout ce qu'il y a de plus banales. Ont-ils refait la déco ?