Odd Amethyst

Chapitre 4 - Le gâteau justicier

La suite du week-end s'est déroulée dans un calme bénéfique. J'avais besoin de me ressourcer. Tout le monde était parti assez tôt le dimanche, sauf Drummer qui avait pour habitude de nous tenir compagnie pendant une bonne partie de la journée. Nous avions joué à des jeux de société avec Neveah qui avait râlé toute la soirée parce qu'elle avait perdu au Monopoly. C'était pourtant elle qui avait insisté pour ce divertissement qui ne m'avait jamais réellement attiré. Les investissements immobiliers, ce n'est pas ce qui me botte particulièrement, surtout quand tu passes la plus grande partie du jeu en prison. Les jérémiades de ma cadette furent le seul rebondissement de ce jour-là.

Une nouvelle semaine débute. Je suis encore chamboulée par ce cauchemar, qui me semblait bien trop réel. Je suis, finalement, heureuse de retrouver ma boutique dont je suis tellement fière. Ma mère ne croyait pas en mon rêve et m'avait gentiment fait comprendre que je devais grandir et arrêter de vivre au travers d'histoires d'enfants, de mondes imaginaires et de bêtises. Aujourd'hui, elle ne m'en parle plus en voyant ma passion concrétisée et le chiffre d'affaires qui en découle. C'était un peu ironique de la part d'une puissante sorcière de me blâmer de vivre dans un monde magique, ampli de récits et de fantastique.

La vitrine d'Odd Amethyst, décorée avec soin par mes propres petites mains, était depuis un mois consacrée à l'univers Marvel. Tandis qu'une statue de Thor grandeur nature semble me faire du charme, mon regard remonte vers l'enseigne du magasin aux tons violets, rappelant la couleur de ma chevelure.

« Comme je suis miséricordieux, je me baignerai dans ton sang et mettrai tes deux magnifiques yeux vairons dans une vitrine. Mais avant, je profiterai de ton corps sous toutes ses formes et tu en redemanderas, boucles améthystes. »

La voix profonde et angoissante de l'homme énigmatique résonne à nouveau en moi, me faisant frissonner. Je regarde derrière moi, par réflexe. Personne.

Ça va aller Athalia. Tu ne deviens pas complètement folle. Ce n'est qu'une illusion. Ce n'est que ce mauvais rêve qui t'a perturbée.

J'entre et pars me réfugier dans l'arrière-boutique. C'est une pièce immense, qui à elle seule peut contenir bien plus que ce dont j'ai besoin. On pourrait y organiser des fêtes si je le voulais, mais cette idée était loin d'être en haut de ma liste. À un moment, j'avais pensé y aménager un écran géant et des sièges pour faire des regroupements de passionnés devant des films ou séries, mais j'ai vite abandonné le concept. Je n'avais pas la motivation nécessaire pour inviter des clients et me noyer dans une marée humaine. Il y avait déjà bien assez de monde dans la pièce principale lorsque j'organisais parfois des événements particuliers.

J'entends la porte d'entrée claquer. C'est probablement Anthithée puisque je n'ai pas encore ouvert la boutique. Je commence à déballer les quelques cartons livrés samedi : des figurines à ajouter en rayon et quelques commandes de clients. Toujours pas de démone qui pointe le bout de son nez. Je me décide donc à aller voir ce qu'elle fabrique. Dans un coin de l'établissement, j'aperçois les cornes jais de ma collègue. Je m'approche et remarque qu'elle sanglote. Lorsqu'elle se rend compte de ma présence, elle se redresse et sèche ses larmes.

— Hey... ça ne va pas ? réussis-je seulement à prononcer, pas très à l'aise avec les effusions de tristesse.

— Ça va... C'est juste que je ne suis pas certaine de pouvoir travailler sous ma véritable forme.

— Que s'est-il passé ? Tu peux tout me dire, d'accord ?

— J'ai voulu aller chercher à nouveau des pâtisseries chez Envie's pour te faire plaisir, mais... quand je suis entrée, les deux vendeuses présentes se sont mises à parler à voix basse entre elles et à me regarder bizarrement. J'ai essayé de ne pas y prêter attention. Seulement, alors que c'était à mon tour de commander, l'une d'elles m'a dit qu'elle ne pouvait plus rien me vendre parce que je faisais peur aux clients.