Paint You Wings // a.i. (version française)

Quatre.

Le lendemain matin, je prends ma place habituelle au fond de la classe de communication et je jette un coup d'œil à l'horloge qui s'affiche sur mon téléphone. Il est neuf heures cinquante-deux. Le cours commence dans huit minutes et Ashton n'est encore pas là. Je fais tourner mon stylo, l'enfilant entre chaque doigt pendant que j'attends.

Mon regard ne quitte pas la double porte de la salle de classe, espérant qu'à tout moment, Ashton va arriver en courant. Cependant, lorsque le professeur Ross commence son cours, cet espoir s'estompe rapidement.

Trente minutes après le début du cours, Ashton n'est toujours pas là. Je suis légèrement déçue qu'il ne soit pas venu. Quand il m'a envoyé ce message hier pour savoir si on s'asseyait ensemble, j'étais à la fois excitée et nerveuse. Pas le terrible sentiment d'anxiété provoquant une réaction de combat ou de fuite, mais plutôt le genre d'anxiété positive qui vous pompe le sang et vous prépare à plonger dans quelque chose qui pourrait potentiellement vous changer d'une certaine manière.

J'ai vraiment envie de le voir.

Un cri fort force mes yeux à regarder vers l'entrée de la salle où Ashton passe les portes, complètement essoufflé. Tous les regards sur lui, y compris celui agacé du professeur, encouragent Ashton à bafouiller un rapide 'désolé'. Il parcourt la salle du regard jusqu'à ce qu'il rencontre le mien, souriant lorsque nos yeux se croisent. Silencieusement, il monte les marches menant au fond de l'amphithéâtre et glisse à travers la rangée, manquant de trébucher sur les jambes d'un type, mais retrouvant rapidement son équilibre. Il s'assied à ma droite, posele cahier vert à spirales qu'il tenait dans sa main sur le petit bureau fixé à la chaise et croise les jambes. Débarrassé de tout interruption, le professeur Ross poursuit son cours.

« Je suis vraiment désolé d'être en retard, Emmie, » murmure Ashton, son souffle chatouillant mon cou à cause de sa proximité. « Je me suis réveillé en retard et mes colocataires ont pensés qu'éteindre mon réveil serait drôle. » Sa voix était fatiguée et rauque, ce qui rendait son accent encore plus fort.

Je le fais taire discrètement, et lui adresse un sourire rassurant, lui faisant comprendre que ce n'était pas grave. Je reporte mon attention sur le professeur Ross, notant des informations sachant que je les oublierai plus tard. Je sens qu'Ashton me regarde et, en temps normal je me sentirais mal à l'aise mais la façon dont ses yeux me regardent me plonger dans la leçon me fait me sentir presque en... sécurité.

Du coin de l'œil, je vois Ashton sortir son portable et taper quelque chose sur l'écran pour le placer sur sa jambe. L'écran de mon portable s'allume à côté de mon carnet de notes. Sur les cinq contacts que j'ai enregistrés dans mon portable, et sur les deux avec lesquels je converse réellement, j'ai l'impression que c'est Ashton qui m'envoie un texto puisque Julia est au travail en ce moment. Je déverrouille l'écran et ouvre mes messages pour voir que mon intuition est bonne.

« J'ai une question » peut-on lire dans son message.

« Vas-y » je réponds, en reposant mon portable sur le bureau.

Son téléphone est de nouveau en main, impatient de répondre. J'ai à peine le temps de finir d'écrire la définition de la sémiotique que le professeur Ross récite que je reçois son message. « J'ai remarqué que tu ne parlais pas beaucoup. Pourquoi es-tu si silencieuse ? » demande-t-il sans détour.

Je relis le message encore et encore. Dans ma tête, j'essaie de construire une explication plausible pour expliquer pourquoi je suis silencieuse, mais il n'y a vraiment aucune excuse. Je ne suis pas une nécessairement quelqu'un de silencieux ; Je peux être en fait très bavarde quand je discute d'un certain sujet. Pas plus tard qu'hier soir, je parlais à Julia de la tasse avec les éléphants que j'ai vue avant de tomber sur Ashton et je lui ai subtilement suggéré de m'acheter comme cadeau de Noël avec quatre mois d'avance.

Au lieu d'écrire un message, j'ouvre l'application Bloc-notes et commence à taper « Je n'essaie pas de faire exprès d'être silencieuse. C'est juste que je ne suis pas très bonne quand il s'agit de socialiser. Je n'ai pas beaucoup d'amis, donc être dans cette situation est différent pour moi. » Je me tourne légèrement pour faire face à Ashton, tenant le téléphone devant son visage pour lui montrer le message. Il scrute brièvement l'écran avant de prendre le portable des mains et de taper son propre texte. Une fois terminé, il fait glisser le téléphone sur le bureau jusqu'à moi.

Avant que j'aie la chance de voir ce qu'il a écrit, le professeur Ross commence à annoncer un nouveau devoir. « Nous sommes déjà un mois après le début du semestre et j'ai remarqué que beaucoup d'entre vous » il lève son doigt en le faisant glisser en l'air en se référant à chaque étudiant dans la salle. « Ne communique pas avec leurs camarades de classe. » Je bouge inconfortablement sur ma chaise, regardant mes genoux, ayant l'impression que toute cette annonce me vise indirectement.

« Il s'agit d'un cours de communication, » il continue. « Vous êtes censés interagir et appliquer les connaissances que vous acquises dans ce cours pour améliorer votre vie privée et professionnelle. Donc, j'ai imaginé un projet, » il fait une pause, essayant de construire le peu de suspense qu'il a créé. « Pour le reste du semestre, je veux que vous choisissiez un binôme et que vous appreniez à le connaître, ainsi que ses amis et même sa famille. Je ne parle pas de jouer au jeu des vingt questions. Je ne veux pas savoir quelle est leur couleur préférée ou combien de frères et sœurs ils ont. Creuser vraiment profondément et trouver les petits détails qui vous permettront de dresser le portrait de votre binôme. A la fin du semestre, vous présenterez votre partenaire au reste de la classe. »

La salle se remplie de gémissements et de supplications pour ne pas faire de présentation mais ils sont tous rejetés. Je me tourne vers Ashton, je regarde ses lèvres fines se courber alors qu'il regarde devant lui et tapote son doigt contre son genou. Oubliant son message, je lis rapidement les mots tapés sur l'écran du téléphone.

« Je ne mordrai pas » Un emoji qui fait un clin d'yeux suit. « Prends ton temps. »

Une seule brique du mur imaginaire que j'ai eu tant de mal à construire au fil des ans s'effondre. Le reste continue de tenir, mais vu la façon dont il insinue que tout est à mes conditions, je ne peux pas garantir que ce ne sera pas la dernière à tomber. Ce n'est que le début et rien que ça me fout la trouille, mais pour une raison quelconque, je ne peux me débarrasser du sourire qui se répand sur mon visage.

« Je vous laisse sortir en avance, » dit le professeur Ross, ce qui lui vaut quelques applaudissements. « Choisissez vos partenaires et apprenez à les connaitre. »

Il n'a pas besoin de nous le dire deux fois.