Arrêt Blanco 1873

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FAITS ET REQUÊTE

Agnès Blanco, âgée de 5 ans et demi, est blessée, par imprudence, par des agents de l'Etat (quatre travailleurs de la manufacture des tabacs à Bordeaux). A consequence de cet accident, elle doit être amputée de la jambe.

Jean Blanco, représentant légal de Mme Blanco, engage une action contre l'Etat afin que soient réparés les dommages subis par sa fille.

Le conflit est élevé par le préfet du département de la Gironde à travers d'un arrêté de conflit.

• LA PROCÉDURE

Juridiction du premier degré : Le 25 janvier 1872, M. Blanco engage une action en indemnité devant le Tribunal civil de Bordeaux contre l'Etat, en la personne du préfet de la Gironde, et ses quatre salariés requérant la réparation des conséquences d'une imprudence des agents de l'Etat dans le cadre de leurs fonctions.

Le 29 avril 1872, le Préfet de la Gironde, représentant de l'Etat, adresse une déclinatoire de compétence qui est rejetée par la juridiction précédemment citée le 17 juillet 1872.

Cette dernière, retient la connaissance de la cause en ce qui concerne l'Etat et ses quatre agents.

Le 22 juillet 1872, le Préfet de la Gironde prend un arrêté de conflit positif qui oblige la juridiction judiciaire à surseoir dans l'attente de l'arrêt du Tribunal de Conflits.

Juridiction de cassation : Arrêt du Tribunal des conflits du 8 février 1873, Blanco, n° 00012. C'est l'arrêt qui fait l'objet de la Fiche.

• LA QUESTION DE DROIT

En cas de dommages et intérêts envers un particulier impliquant la responsabilité de l'Etat, quel ordre administratif ou judiciaire est le plus compétent ?

• MOTIFS/PRETENTTIONS DES PARTIES :

"Considérant que la responsabilité , qui peut incomber à l'Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service publique, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier"

• LA SOLUTION

Le Tribunal des conflits confirme l'arrêté du conflit positif du 22 juillet 1872. Il décide que l'ordre administratif est la seule juridiction pouvant connaître de cette action et que le droit civil n'est pas applicable mais un droit spécial pour l'administration.

Il annule, en ce qui concerne l'État, l'exploit introductif d'instance du 24 janvier et renvoie la décision au Ministre de la justice.

Dans un premier temps, il rejet la pertinence des règles du droit privé ; "Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l'Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier".

Dans un deuxième temps, il affirme l'autonomie du droit administratif ; "Que cette responsabilité n'est ni générale (concernant certaines activités l'Etat bénéficie toujours d'une irresponsabilité totale), ni absolue (la gravité de certains actes peut n'être assez importante comme pour engager la responsabilité de l'Etat) ; "qu'elle a ses règles spéciales".

Enfin, il affirme la compétence exclusive de l'ordre administratif sur ce cas ; "Que, dès lors, aux termes des lois ci-dessus visées, l'autorité administrative est seule compétente pour en connaître".

• LA PORTÉE DE L'ARRÊT

L'arrêt est fondateur du droit administratif.

Le Tribunal des conflits affirme, pour la première fois, l'autonomie du droit administratif. C'est-à-dire, l'existence de règles, différentes de celles du droit privé, spéciales pour concilier les intérêts de l'Etat et les intérêts privés.

La compétence pour connaître des litiges dont une personne publique est impliquée est exclusive du droit administratif (Par contre, l'article 1 de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribue aux tribunaux de l'ordre judiciaire compétence pour statuer sur la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque ; les véhicules de l'administration, les véhicules militaires, etc).

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