"Imbécile, disaient-ils à mon adresse. Regarde toi ! Tu fais pitié. Tu n'as l'air de rien maintenant; et tout le monde te déteste, moi y compris. Pourquoi tu ne laisses pas juste tomber ?", voilà ce que je me disait ces yeux bruns. Voilà ce que me disait ce regard, aussi froid qu'une nuit d'hiver à Moscou, plus dur que l'acier trempé. Je n'avais jamais vu Gloria sous ce jour. Elle me dédaignait. Cependant, son regard me disait au moins quelque chose; il parlait. Ce ne fut pas le cas de celui de Sophia, qui lui ne m'inspirait qu'un seul mot: déception.
Il était un peu plus de vingt-trois heures quand j'arrive chez moi, avec Lana, dans sa voiture. Nous étions passé au préalable par chez Théo et l'y avions laissé.
- Ils t'ont pas loupé, disait-elle dans un ton de moquerie. T'es sûr que ça va aller ?
- Ouais, c'est rien. Je survivrai.
Je m'efforçais de garder un semblant de sourire et le visage confiant en dépit du léger ecchymose sur le côté extérieur de mon oeil gauche et tous les bleus disséminés un peu partout sur mon abdomen. Mais aucun de ces bleus n'était plus douloureux que le souvenir de cet enfant de putain à la queue de cheval. Aucun plus douloureux que ce baiser dont je fus témoin, dont tout le monde fût témoin, ou plus douloureux que ce dernier regard de Sophia. Elle qui n'avait pourtant prononcé aucun mot.
- Ta mère va te tuer, c'est sûr !
- J'ai mal rien qu'en imaginant sa réaction dès qu'elle me verra. Les autres abrutis-là sont des enfants de choeur comparé à ce que ma mère pourrait me faire.
Elle se pencha légèrement vers moi, ouvrit la boite à gant de la voiture et y sortit une boîte de baume. Elle y passa ensuite l'index et le posa sur mon oeil au beurre noir avec toute la délicatesse d'un coton, mais c'était quand même chatouilleux.
- Ça fait mal ?
- Non, à peine, mentais-je.
Elle était si gentille et patiente avec moi. Je lui en étais fort reconnaissant même si je ne le mentionnais pas. Mon coeur l'était, et sur le moment, c'était l'essentiel; il lui disait "merci" dans une voix que seuls les anges pouvaient entendre.
- Tu devrais aussi arrêter de partir au quart de tour comme ça. Imagine si Théo et Carl n'étaient pas à la fête, tu te serais fait massacré comme jamais.
- Ouais, c'est vrai. Mais en même temps, si Théo n'était pas à la fête, je n'y aurais jamais mis le pied non plus hein !
Elle sourit. Elle avait le sourire d'un enfant de huit ans.
- J'arrive pas croire que Carl ait réussi à lui couper sa queue de cheval, répris-je avec hilarité.
Nous éclatâme de rire et commençames à passer en revue tous les moments désopilants de la soirée jusqu'à la bagarre. Nous avions ri si fort que je sentis mon souffle se couper et mes bleus s'enflamer. J'avais rarement ri de la sorte, au point qu'une larme s'échappa de mon oeil pour aller mourir sur le creux de mon oreille. Peut-être était-ce l'effet de l'alcool, je ne saurais le dire.
En fin de compte, il y eut quelque chose de bon à tirer de cette soirée horrible !- J'arrive pas à croire que tu te sois battu juste parce qu'il t'a traité d'idiot, se moquait-elle.
- Vas-y, rigole ! fis-je. Mais c'est tellement agaçant quand ça vient d'un abruti pareil.
Elle avait sa main sur sa bouche, comme pour s'empêcher d'éclater de rire, encore. Avait-elle honte de son rire ? Elle gloussait.
Après un temps, elle s'affaissa sur son siège et expira. Un silence s'est installé alors et l'ambiance devint à nouveau sobre.

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Tu devras mourir
Storie d'amore" Que le destin peut parfois être cruel... " Stéphane est depuis quatre ans amoureux de la même fille, Sophia, mais il n'a jamais proprement déclaré son amour. Le jour où, enfin il a le courage de se confronter à sa bien-aimée, le destin se dresse c...