Tu devras mourir

Chapitre 15

- Je te dérange ?

- Je viens d'ignorer tes cinq précédents appels, étonnant que ça ne t'ait pas mis la puce à l'oreille. Qu'est-ce que tu me veux ?

- M'excuser.

- De quoi ?

- De ce que ça m'a pris si longtemps pour t'appeler, pour te répondre... pour te parler.

- Écoute, Stéphane, j'ai pas le temps pour ça. Et je n'ai plus envie de parler de tout ça, surtout pas avec toi.

- T'as pas besoin de parler, juste d'écouter. Je veux juste que tu m'écoutes jusqu'au bout. S'il te plait.

Je l'entendis expirer comme si elle prenait sur elle, comme si c'était une corvée désagréable.

- Vas-y !

- Ce jour-là, pour la première fois depuis que je te connais, je t'ai entendu pleurer. Tu disais toujours que tu n'es pas ce genre de fille fragile, mais moi je guettais quand même le jour tu aurais besoin de moi pour te relâcher et pleurer. Je trouvais ça super étrange que t'aie jamais versé une larme, même quand on était petit. Et quand ce jour était arrivé, le jour où plus que jamais tu avais besoin de moi, je t'ai ignoré. Tu avais raison, je suis immature; je ne sais pas ce que je veux: j'ai passé les quatre dernières années à t'aimer alors que j'étais en couple avec d'autres filles. J'ai passé quatre ans à essayer de te dire que je t'aime mais la seule fois où j'ai pu le faire, c'était avec maladresse; et je déclarais ma flamme à la petite amie de mon meilleur ami. Je suis si immature que je ne sais même pas vraiment ce que je veux faire de ma vie. Ce jour-là, je n'ai pas seulement été stupide, mais aussi lâche: je me suis laissé envahir par la peur et le doute. Et j'ai probablement pris la pire décision de toute ma vie, perdant non seulement la fille que j'aime mais aussi ma meilleure amie d'enfance.

- Alors c'est parce que tu avais des doutes, c'est ça ? Tu crois que moi j'en ai pas eu quand j'ai décidé de quitter Théo ? Tu crois que je n'ai pas éprouvé de la peur quand j'ai juste tout fichu en l'air pour t...

Elle lâcha un rire étouffé, je pus l'entendre. Ce même rire étouffé que lorsque l'on trouve quelque chose ridicule. Trouvait-elle ses sentiments ridicules?

- Comment tu crois que je me suis senti quand j'ai dû dire à ma cousine j'étais amoureuse de toi depuis ce... stupide baiser ? reprit-elle. Bordel, elle ne m'a pas adressé la parole pendant des semaines ! Tu crois que t'étais troublé, Stéphane ? Désolé mais j'ai toujours cru que t'étais plus intelligent que ça.

Il était donc là, mon tort. Celui de penser que j'étais celui qui prenait la décision la plus dure. Je disais des choses mais je ne les réalisais pas: c'est vrai, elle n'avait jamais osé pleurer devant qui que ce soit. C'était la fille la plus rationnelle et la plus lucide que je connaissais, peut-être aussi la moins honnête. Mais ce jour-là, elle a pleuré et n'a pas hésité à solliciter ma présence.
Ce jour-là, elle a pleuré...

- Je suis désolé...

- C'est un peu tard pour ça, tu penses pas ?

- Peut-être, mais peut-être pas encore trop tard.

- Trente-deux !

- Comment ?

- Trente-deux putains de messages que je t'ai laissé ! Je t'ai appelé une dizaine de fois au moins, et toi, tu m'as juste jeté comme une chaussette sale. Mais je suis quand-même allé chez toi après, comme une conne, pour savoir pourquoi tu ne voulais plus me parler et ta mère m'a dit que tu n'étais pas là, que tu étais allé à un rencard avec Lana Davenue. Oui, ton ex ! Et monsieur m'appelle après deux mois et demi pour me dire qu'il avait peur, qu'il avait des doutes... Et pourquoi pas me dire que t'avais plus batterie tant que t'y est ?