Tu devras mourir

Chapitre 7

Vendredi après-midi...

Cela faisait plus de deux mois depuis l'appel de Sophia, et nous étions désormais en début de septembre.
Ce jour là, Sophia était en larme, elle avait besoin de moi. Mais ce jour là, je l'avais ignoré, et il en fut ainsi tout ce temps qui s'écoula. Elle m'avait laissé des centaines de messages depuis, auxquels je ne daignais répondre.
J'avais tout bonnement coupé les ponts.

Il m'arrivait de temps à autres de me demander pourquoi j'agissais ainsi. Étais-je stupide ? Oui, certainement. Il fallait être soit fou soit complètement stupide, ou juste d'un sadisme écœurant, pour faire cela: vouloir une fille, la voler à son meilleur ami, sachant que ce dernier en était très amoureux, et décider de "ne plus vouloir d'elle".

Pourtant, au plus profond de moi, je sentais que c'était la meilleure chose à faire.

Il n'empêchait que tous les jours, ou presque, quand je le pouvais, j'allais chez elle, en secret. Je restais au coin de la rue afin de ne pas me faire remarquer. La regarder sortir de chez elle, avec un visage radieux, comme si je n'avais jamais existé, comme si je ne lui avais causé aucune peine. Pourtant je lui en avais causé. Elle était juste forte et vivait la vie à pleine dent. Mais moi je voyais au-délà de son sourire; j'avais beau me trouver à des dizaines de mètres de chez elle, je voyais clairement de la tristesse et de la déception dans ces sourires.
Avec ce qui s'est passé, je croyais qu'elle aurait essayé d'effacer toute trace de mon existence. Pourtant, nous étions toujours amis sur Facebook et elle me suivait toujours sur Twitter et Instagram. Elle ne regardait plus mes statuts - sûrement pour éviter que je ne le remarque -, mais je ne me gênais pas pour voir les siens. Elle était peut-être en colère après moi, mais c'est sûr qu'elle n'avait pas arrêté de m'aimer. Et ça me désolait.

" Pourquoi tu ne me déteste pas ? Tu me rends les choses beaucoup plus compliquées. "

Par moment, j'étais tenté de lui écrire, de répondre aux messages qu'elle me laissait. Il m'arrivais de commencer à lui écrire, puis je me résignais. Je la voyais en ligne et me demandais ce qu'elle faisait, à qui elle parlait et si elle me voyait aussi en ligne.

Sophia n'était pas faite pour moi. Je l'aimais, certes, mais la réalité ne pouvait changer. Et mon obsession causait du tort à tout le monde, elle y compris.

J'avais appris que les hommes étaient prisonniers de leur destin, que l'on a beau lutter pour y échapper, il nous rattrapait toujours.
Cette histoire de destin, ce journal, ce vieillard... Ils avaient réussi à semer le doute en moi.

Mais à dire vrai, j'avais juste peur. J'avais peur que ce vieillard et son journal aient raison; mais ce qui me faisait encore plus peur, c'était qu'ils aient tort, que Sophia soit effectivement faite pour moi. J'avais tellement passé de temps à la convoiter que mon esprit avait du mal à la concevoir à mes côtés, avec moi. Alors j'ai fait preuve de lâcheté.

Et il y avait cette sensation inexplicable, comme un mauvais pressentiment, que j'avais en permanence. Elle m'obsédait.

Peut-être étais-je trop crédule, peut-être étais-je juste naïf. Mais cette phrase me hantait: "Nous n'étions pas les premiers, et certainement pas les derniers".

Je ne savais trop si mon interprétation était la bonne, mais si ce vieillard était bien celui que je croyais, alors ce journal devait servir à me mettre en garde et me faire comprendre ce qui allait arriver si j'insistais.
Mais peut-être étais-je juste naïf...

Ce jour-là, j'allais chez mon ami, Théo. Il m'en aurait sûrement voulu s'il avait su pour Sophia et moi, et les raisons pour lesquelles elle a rompu avec lui.
Je savais qu'il l'aimait, sincèrement. Il pouvait parfois se montrer trop empoté et vulgaire, mais il savait aimer; et il l'aimait. Cela me chagrinait, profondément.