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Le trottoir n'est pas assez large pour quatre, alors Louna ralentit son pas et observe ses trois amis continuer à bavarder. Ilyes se retourne, fronce les sourcils un instant, l'air inquiet. Mais Lou' lui sourit. Elle a juste besoin de prendre un peu de temps seule, pour elle, même quand elle est avec ses amis.

Léon lui reproche souvent ça d'ailleurs, de ne pas être réellement présente en groupe quand tout le monde fait l'effort de l'être. Mais elle a déjà expliqué maintes fois à son meilleur ami que c'est parce qu'il y a toujours une part d'elle qui s'échappe des discussions, qui divague, qui mûrit des idées sans sa permission.

Mais elle n'est pas déconnectée des autres pour autant. Elle est bien là, avec eux, juste parfois un peu plus loin, ou comme aujourd'hui, derrière eux.

Les quatre s'assoient à la station de bus. Alice prend des photos tandis qu'Ilyes passe un de ses écouteurs à Louna.

— Léon m'appelle. Il veut te parler.

Ah oui, c'est vrai, il ne s'est pas encore vraiment excusé. Lou' est tellement épuisée de sa journée qu'elle n'arrive pas à se concentrer sur autre chose que les clignotants des avions. Tout lui rappelle un ciel empli d'étoiles alors qu'il n'y a rien d'étoilé. Un peu comme ce qu'elle vit : il n'y a rien de lourd dans la légèreté qu'est sa vie, mais elle sent tout le poids de son mal-être à cet instant précis.

Noé lui a parlé de Milan Kundera l'autre fois, de L'insoutenable légèreté de l'être, un roman qu'il aimait bien. Elle n'avait pas trop cherché à comprendre ce titre ce jour-là. En y réfléchissant ce soir, elle comprend, elle se sent exactement comme ça.

— Allô ? lance Léon à l'appareil.

Elle soupire, il la fatigue déjà mais la brune ne peut contenir son sourire. Il est aussi chiant qu'attachant à vouloir recoller les morceaux.

— C'est bon ducon, je te pardonne.

Louna sait qu'il n'a pas encore dit « pardon » et que c'est vache de lui priver de ses propres excuses. Mais elle est soulagée d'un poids. Elle n'arrive jamais à être fâchée contre lui longtemps. Encore une fois, elle tient trop à ce que ses amitiés soient légères comparées à ce qu'elle ressent.

Comme si elle permettait aux clignotants de briller assez fort pour apparaître comme des étoiles dans la nuit.

L'agrafeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant