Pour Louna, la reprise des cours lui a donné l'impression de prendre une douche froide. Les professeurs ont commencé à sermonner les élèves sur leurs vœux. À cran, chacun justifiait leurs choix sans comprendre exactement quoi mettre dans leurs lettres de motivations. L'horizon temporel de Lou' se réduit à aujourd'hui, hier à la limite. Mais pas demain. Parce que l'avenir, ça ne lui fait ni chaud ni froid quand tout ce dans quoi elle se projette n'est que soupirs, regards et cœurs embrouillés.
Avant d'aller faire la fête chez Léon, Louna a invité Ségolène chez elle pour se préparer. Les deux ont ouvert une bouteille de moelleux pas chère et bien sucrée. Dans la chambre de la brune, les deux filles se maquillent en fredonnant sur les refrains des boys bands qu'elles écoutaient au collège.
— Y aura beaucoup de monde ? lance Louna en ratant son trait d'eyeliner.
— Ouais, vraiment pas mal. Léon a accepté trop d'incrust'...
Lou' sourit, contente qu'il y ait foule. Après tout, ça lui permettra d'éviter de passer sa soirée collée au couple Noé-Rose. Et puis, elle ne sait pas trop comment va se comporter Raphaël avec elle ce soir, s'ils sont pudiques ou pas devant les autres. Une part d'elle a hâte de retrouver son petit copain.
En lien avec ses pensées, Louna aborde un nouveau sujet :
— D'ailleurs, ton mec va bien... comment il s'appelle déjà ?
À chaque fois, Lou' oublie le nom atypique du petit ami de Ségo'. Elle sort avec lui depuis deux ans mais n'en parle quasiment jamais. Leur relation se développe à distance depuis qu'ils se sont rencontrés.
— Ovide, répond Ségolène en soupirant.
— Pourquoi tu tires cette tronche ?
Lou' baisse le son à fond. Harry Styles attendra.
— Je vais casser, avoue-t-elle sincèrement.
Louna arrête d'imbiber son coton tige d'eau micellaire et se concentre entièrement sur son amie. Elle était tellement bloquée sur ses problèmes qu'elle n'avait pas vu la profonde tristesse de Ségolène. La brune s'en veut tout de suite.
— Mais tu l'aimes encore ?
Ségo' acquiesce, sourire abattu aux lèvres.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? s'aventure alors Louna avec précaution.
Son amie finit son verre et prend une longue inspiration.
— Je l'avais rendu visite l'autre fois en décembre, puis pour nos 2 ans... et... y avait déjà une sorte de distance. Fin, ça se voyait qu'il était occupé par un truc. Et... j'ai rencontré cette fille, en première, dont il s'était rapproché amicalement. Vraiment trop cool. Et... j'ai même pris un café avec elle... hop, j'ai fait le lien. Je crois qu'il l'aime bien.
Louna est bouche bée. Elle ne s'attendait pas à ce que Ségolène intériorise autant de doutes. Elle ne s'en serait jamais douté... en général, son amie est impassible sentimentalement.
— Oh merde... Il t'a trompée ?
— Non ! C'est juste que ça se voyait à quel point il était nerveux... et il voulait tout le temps l'impressionner. Je sais pas. Il a tout donné pour faire comme si rien avait changé. Mais si, je sens qu'il est en train de tomber amoureux d'elle. Et... je peux pas supporter ce truc où tu sais que l'autre éprouve des sentiments pour quelqu'un d'autre que toi. Moi, en amour... j'ai vraiment besoin d'une exclusivité... globale, totale ? Je sais pas si ça se dit, mais je suis possessive sur ce plan là.
Une petite voix dans la tête de Louna lui crie que si les mots de Ségolène la font sentir coupable, c'est parce qu'elle a l'impression qu'elle est dans la même position que le dénommé Ovide. Mais ce n'est pas non plus exactement pareil... Et puis, elle doit s'avouer qu'elle comprend entièrement Ségolène...
— Ségo' ?
— Oui ?
— Je t'ai pas totalement dit la vérité pour Raph'... Y avait une autre raison qui faisait que... j'avais pas envie de me mettre directement avec lui... Même si ça s'est fait.
Ségolène lui sourit.
— Ouais j'avais deviné.
— Comment ça ? rétorque alors Louna, surprise.
La musique est définitivement coupée.
— T'as un crush sur quelqu'un d'autre... normal que tu doutes... Ça se voyait que t'aimais bien Noé. Fin, je l'ai vite remarqué.
— Hein ? C'est Léon qui te l'a dit ?
Son amie rejette cette idée.
— Non, c'est juste que je te connais bien, même si tu le vois pas trop. Tu le regardais trop souvent intensément pour que ce soit anodin. Je vous shippais ensemble aussi, même si je le montre pas. Et puis, j'ai trouvé ça bizarre que tu t'aies éloignée de Rose après qu'elle se soit mise en couple. Fin bref, tout le monde s'en doute dans le groupe.
Louna se sent mise à nu tout à coup. Ce n'est pas agréable comme sensation. Pourquoi est-ce que tout le monde arrive autant à lire dans ses sentiments ?
— Hé, oublions tout ça. Ce soir on s'éclate !
Lou' repense alors aux confidences sur la rupture imminente de Ségolène, mais aussi à leurs discussions sur Raphaël pendant les vacances. Elle ne peut pas s'empêcher de se sentir fautive, comme pendant l'appel avec Léon.
— Tu m'en veux pas ?
— Pour quoi ?
— D'être pas au point sur mes émotions. Fin, Raph' et toi, vous êtes un peu...
— Dans la même situation ?
Lou' acquiesce, timidement.
— Non, je te connais Louna. T'es pas comme mon mec. Toi, je pense que tu sais quand t'es malhonnête avec tes émotions. En tout cas, même si t'as pris ce pari un peu risqué de te mettre en couple, je crois que fondamentalement, ton but c'est pas de le blesser. Juste... de te recoller, un peu égoïstement, mais je sais pas... t'as espoir, quoi. En plus vous êtes mignons... J'ai deux ships maintenant. C'est juste que t'as très peur que ça devienne inégal ou toxique, je suppose... mais je peux pas vraiment savoir ce que tu ressens honnêtement.
Louna soupire, tout en rigolant nerveusement. C'est exactement ça. Et elle n'arrive pas à croire que Ségolène soit à ce point lucide sur la situation. Et quand les deux brunes se prennent dans les bras, Lou' réalise à quel point elle a de la chance d'avoir des amis géniaux.
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L'agrafe
Teen Fiction◼︎ AGRAFE, nom féminin DÉFINITION LAROUSSE - Fil métallique replié permettant d'attacher, de fixer, d'assembler ensemble plusieurs éléments. Louna est une agrafe. Elle est repliée sur elle-même, attache les uns aux autres et assemble des couple...