L'agrafe

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« ◼ AGRAFE, nom féminin 

DÉFINITION LAROUSSE - Fil métallique replié permettant d'attacher, de fixer, d'assembler ensemble plusieurs éléments. »

Louna était une agrafe. Elle était repliée sur elle-même, attachait les uns aux autres et assemblait des couples... malgré elle.

Elle se souvient de cette annonce de Noé, perdue dans les échos de son cœur. Cette annonce qui disait qu'il s'était mis en couple avec Rose. Cet après-midi-là, Lou' s'était sentie impuissante, mal à l'aise et attristée. C'est à partir de ce jour que l'agrafe a commencé à se déformer.

Louna n'est pas encore au clair avec ses sentiments. Elle penche parfois pour les mots doux de Raphaël, les efforts qu'il fournit, même si elle sait qu'il peut voir ailleurs autant qu'il en a envie.

Elle se contente de cette amitié avec Noé, éprouve sincèrement de l'apaisement quand ils se voient au conservatoire. Pas encore de messages ou d'appels la nuit, mais juste des moments pour se retrouver petit à petit.

Louna réalise qu'elle s'est rapprochée de certains de ses amis, tout en s'éloignant d'autres aussi. Elle n'oublie pas les miel pops d'Ilyes, les conseils de Léon, les mots de Ségolène. Elle se souvient de ce ciel embrouillé d'étoiles, de clignotants et de noir effrayant. Elle se souvient de sa mélancolie, de son cœur brisé, de ses nuits passées à aimer.

Puis, la lumière ondoyante, les rayons d'un soleil qu'elle n'avait plus l'habitude de chercher. Une explosion de douceur dans sa propre intimité. Louna face à elle-même, les œufs brouillés de sa mère, la main de Raphaël, le cœur qui bat quand elle se trouve belle, fière et grandie.

Le plus dur ces derniers mois, a clairement été ce défi. Être cohérente avec l'irrationnel. Être intuitive, tout en ayant pas peur d'être elle-même.

« C'est compliqué l'amour » écrit-elle dans un carnet. Puis, elle sourit, avant de marquer une autre phrase. C'est beau aussi, se dicte-t-elle. Que des vérités générales qui lui donnent envie de se moquer d'elle-même. « C'est niais, en effet. »

Tous ces va-et-vient, ces moments de simplicité, ces étoiles dans le cœur, ces soupirs d'ardeur. Tous ces mots tapés, prononcés, oubliés, gravés. Tous ces rien, et tous ces tout, qui font qu'elle ressort changée de ce coup de cœur qu'elle a détesté adorer.

Louna n'a plus peur d'être une agrafe. Elle n'est plus effrayée par ces sentiments d'injustice, de jalousie et d'avidité qui exprimaient une part de ses envies. Elle accepte de ne pas pouvoir être parfaite, de ressentir des sentiments égoïstes, de faire des mauvais choix aussi. Mais elle a appris à se connaître, à se rendre compte qu'elle déteste blesser les autres, faire mal, surtout à elle. Lou' a découvert des limites, des regrets et des crampes de peine. Mais ça fait partie de la vie et elle sait qu'il faut attendre et se faire confiance. « Ça va passer », prend tout son sens.

Un râteau, un rejet, une douleur difficile qui la surprend. Mais c'est normal d'apprendre à se familiariser et dépasser ces nouveaux sentiments. Rien n'est figé dans le temps, même quand c'est éprouvant.

En écrivant, Louna sent son corps trembler, car oui, quelque chose s'est recollé en elle. Elle a l'impression d'avoir été agrafée par elle-même. Et puis... la brune sait qu'elle tient à ce cœur plus que tout. Le sien, qui aime s'exprimer avec force et embrasser chaque frisson et caresse.

Lou' a encore tant de choses à apprendre, tant de choses à vivre. Elle le réalise un peu plus à chaque fois que son cœur s'apaise face au soleil.

Dans ce journal commencé il y a trois mois, carnet où elle rédige ses ultimes pensées sur ce qu'elle ressentait pour Noé, Louna finit par noter :

« Grâce à toi, j'ai compris toute la tendresse du verbe « aimer ». Elle inonde ce toi du passé, ce lui du futur et ce moi du présent.

J'aime, tout simplement. »

FIN