Prologue

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Je me souviens de ce jour comme si c'était hier. J'avais onze ans. Ce jour là j'avais piqué une crise à ma mère parce que je voulais aller chez Peter pour jouer avec Grace et David ; elle avait fini par céder. En me déposant chez Peter, maman m'avait couverte de bisous et papa m'avait lancé un : à plus tard princesse. Mais ils ne sont jamais revenus.

Flashback :

Memphis, Novembre 1967.

− Je suis épuisée ! Pourquoi ils ne sont toujours pas là ? Ils ne sont jamais en retard d'habitude !

Peter se rapproche de moi et s'assoit ; il pleure.

− Tanny ma grande, je dois te parler, tu, tu dois être forte. Tes parents... tes parents ... oh Seigneur donne moi la force ; tu te souviens de l'histoire que je t'ai racontée sur le paradis ?

Je fais oui de la tête.

− Et bien tes parents sont allés au paradis ; ils ne reviendront pas. Mais il faut que tu comprennes qu'ils sont dans un monde meilleur.
− Quoi ? Mais non... c'est impossible ! Tu fais erreur, mes parents ne peuvent pas être morts !

Peter ne me répond pas. Il pleure. Becky vient s'installer près de nous. Elle murmure quelque chose à l'oreille de Peter et il sort de la pièce.

− Tanoula il faut que tu m'écoutes, tu es une grande fille maintenant, tu es assez grande pour comprendre que nous sommes tous appelés à mourir un jour. Parfois la vie nous enlève les gens qu'on aime. C'est le cas de tes parents ; votre maison a pris feu et tes parents sont morts à l'intérieur. Mais tu dois garder en tête qu'ils sont morts pour la vraie liberté, pour leurs idéaux ; tu dois être fière d'eux, ils ont consacrés leurs vies au service de la communauté et ils seront pour toujours des héros dans nos cœurs. Tu comprends ma chérie ?

Fin du flashback

J'avais bien compris ses paroles. Papa m'avait déjà expliqué ce qu'était la mort, et j'avais compris ce qu'elle voulait dire lorsqu'elle disait qu'ils étaient morts pour la vraie liberté. Mon père était un militant, il faisait parti du mouvement national pour l'égalité de droits ; il savait que sa vie était en danger chaque fois qu'il quittait la maison. Ma mère le savait aussi.

Mais quand on est enfant on a facilement tendance à croire que nos parents sont immortels.

Pour moi mes parents étaient inébranlables, les héros d'un roman d'aventures, des conquérants.

Ils s'étaient rencontrés à la fac, tout le monde disait qu'ils finiraient ensemble, qu'ils avaient tous les deux une âme de leaders. Parfois je me demande si je suis comme eux. Ils organisaient des conférences, des marches ; ils se faisaient souvent arrêter mais maman disait que c'était un combat pour la vie, qu'ils se battaient pour que les personnes de couleur soient respectées et aimées.

Ce jour là, la communauté afro-américaine du Tennessee a perdu l'un de ses leaders; Becky, son beau-frère et sa sœur de cœur, Peter, son unique frère et sa belle-sœur et moi, mes repères.

Papa voulait que j'aie de la culture, c'est pour ça qu'il m'a appris à lire dès l'âge de cinq ans; une véritable épreuve de patience ! Il me faisait découvrir des auteurs et des philosophes. Parfois j'avais l'impression que c'était trop pour mon cerveau; mais c'est grâce à ça que j'ai pu saisir les paroles de Becky.

« Ils sont morts pour leurs idéaux. »

Comme Socrate.

J'avais bien saisi ses paroles. Elle me disait implicitement, « tes parents ont été tués parce qu'ils devenaient une menace ».

Je ne remercierai jamais assez Becky de m'avoir dit la vérité. Peter lui, m'aurait ménagé au point de me la cacher...

Ce jour là je m'étais amusée comme jamais chez Peter. Et c'était une bonne chose, car je n'allais plus jamais jouer.
J'ai travaillé dur toutes ces années pour être la meilleure.
Aucune erreur n'est envisageable ; si je veux que ça fonctionne, si je veux faire payer les responsables de la mort de mes parents ; je dois être parfaite.

Ton plan n'est pas le mien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant